L'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels relève d'inquiétantes lacunes dans un projet de loi relatif au système de justice militaire.

Le Sénat se prépare à étudier une proposition de déclaration des droits des victimes d'infractions d'ordre militaire après que la Chambre des communes l'eut adoptée à la fin du mois dernier avec des modifications mineures.

Cette approbation est venue en dépit des préoccupations soulevées par l'ombudsman Heidi Illingworth et par des organismes tels que « It's Just 700 », un groupe de soutien pour les militaires ayant subi des traumatismes de nature sexuelle dans le cadre de leurs fonctions.

Le gouvernement de Justin Trudeau a dévoilé sa proposition de déclaration des droits des victimes en mai dernier, trois ans après l'entrée en vigueur d'une déclaration similaire, qui exemptait toutefois les tribunaux militaires.

Dans une entrevue accordée à la Presse canadienne, Mme Illingworth a expliqué que l'une des principales failles de cette nouvelle déclaration est qu'elle n'exige pas que la police militaire, les procureurs et les autres intervenants du système judiciaire de l'armée canadienne informent les victimes de leurs droits.

Ces droits comprennent le droit à l'information, à la protection et à la participation au fur et à mesure que leur dossier progresse, de même que l'accès à de nouveaux gestionnaires de cas ou agents de liaison.

« C'est une énorme faille, a déploré l'ombudsman. Pour les personnes qui sont grandement traumatisées, qui viennent de vivre de la violence, le simple fait de décider quelle sera la prochaine étape à franchir est très difficile. »

Cette même faille se retrouve dans la version civile, précise-t-elle, mais c'est parce que les provinces gèrent leur propre système de justice. Les forces armées constituent pour leur part une entité fédérale.

Le projet de loi ne précise pas non plus qui exactement est responsable d'informer les victimes de leurs droits et de leur dispenser des services, ce qui augmente selon Mme Illingworth le risque que les victimes passent entre les mailles du filet.

Le vérificateur général fédéral a signalé à l'automne dernier que l'armée ne soutenait pas adéquatement soutenu les victimes d'inconduite sexuelle, alors que la police militaire omettait souvent de renseigner les victimes sur les services à leur disposition et même sur l'évolution de leur dossier.

Le manque de formation du personnel militaire spécialisé tel que les aumôniers et les prestataires de soins de santé a également été décrié en matière d'assistance aux victimes.

Aux yeux de Mme Illingworth, de solides dispositions législatives pourraient aider à corriger le tir.

« Nous ne pouvons pas nous en remettre à la bonne foi des professionnels du système de justice, a-t-elle fait valoir. Parce que, dans ce cas, on n'accorde pas vraiment de droits. C'est juste une déclaration de certaines bonnes intentions que nous avons, mais nous ne changeons en fait aucun des systèmes pour les victimes. »

Pour l'ombudsman, qui dit ne pas avoir été consultée avant la présentation du projet de loi, il s'agit également d'une occasion pour servir d'exemple aux provinces.

La fondatrice de « It's Just 700 », Marie-Claude Gagnon, espère que le Sénat se montrera à l'écoute des victimes et de leurs groupes de défense, même si des amendements pourraient retarder le processus.

Or, la déclaration proposée mourra au feuilleton si elle n'est pas approuvée avant les élections fédérales de l'automne, comme ce fut le cas pour une version précédente présentée en fin de mandat par le gouvernement Stephen Harper en 2015.

Mme Gagnon déplore que la déclaration n'ait pas été élaborée différemment en premier lieu, par le biais de consultations par exemple.

« Il vaut mieux en avoir une que rien du tout », admet-elle toutefois à contrecoeur.