SNC-Lavalin peinait à obtenir les devises nécessaires pour opérer en Libye au début des années 2000. La firme s’approvisionnait en dinars libyens sur le marché noir et un de ses cadres conservait l’équivalent de 10 millions de dollars en liquide dans son bureau à Benghazi afin de payer les dépenses courantes, a raconté l’ancien chef des finances de l’entreprise jeudi.

L’ancien chef des finances, Gilles Laramée, témoigne au procès de son ancien collègue Sami Bebawi, accusé d’avoir participé au versement de pots-de-vin au fils du président de la Libye.

Comptable de formation, M. Laramée a dit avoir vu plusieurs situations qu’il jugeait inacceptables en ce qui a trait à la façon dont les fonds de l’entreprise étaient gérés en Libye. Le conseil d’administration et la banque étaient d’ailleurs intervenus pour corriger le tir, a-t-il raconté.

Un fournisseur de devises banni par la banque

Au départ, l’entreprise avait du mal à se faire payer pour l’avancement de certains travaux, et manquait donc de devises locales pour payer ses dépenses sur le terrain. La Libye sortait d’un long embargo international, elle n’était pas pleinement intégrée au système financier mondial, et il n’était pas facile de convertir sa monnaie.

Selon M. Laramée, la division dirigée par Sami Bebawi a donc décidé de s’approvisionner en dinars libyens sur le marché noir. Il dit que cette décision n’avait « pas de sens ».

« Il y avait des fonds envoyés une tierce partie, et cette tierce partie remettait des dinars libyens », a-t-il expliqué. À un moment, la banque où SNC-Lavalin avait ses comptes a ordonné qu’on cesse d’utiliser cet intermédiaire du marché noir.

« La trésorerie demandait à la Banque Royale de faire le transfert à cette personne, et la banque a dit que cette personne était persona non grata, ou du moins elle n’était pas dans leur liste de bénéficiaires avec qui elle voulait transiger », s’est souvenu M. Laramée.

Pour payer des chauffeurs

Le témoin a aussi raconté que le responsable des projets de SNC-Lavalin sur le terrain, Riadh Ben Aissa, conservait l’équivalent de 10 millions canadiens en dinars libyens, dans un coffre-fort de son bureau à Benghazi, afin de payer les dépenses courantes de l’entreprise sur les chantiers.

« C’était une situation complètement inacceptable, car l’argent que tu as, normalement, doit être à la banque, pas dans un coffre-fort. Ç’a été discuté au conseil d’administration », a-t-il relaté.

Le conseil a permis à Ben Aissa de conserver une certaine somme en liquide dans son coffre, mais beaucoup plus petite.

« Sa justification, à l’époque, c’était qu’il avait besoin de payer des chauffeurs de camion, etc. ».