La poursuite a annoncé ce matin un arrêt des procédures contre l’enquêteur Fayçal Djelidi du SPVM, dernier policier toujours accusé à la suite d’une enquête des Affaires internes au cours de laquelle les appels téléphoniques du chroniqueur de La Presse, Patrick Lagacé, avaient été espionnés.

Fayçal Djelidi, 42 ans, était notamment accusé de parjure et d’entrave à la justice.

En juillet 2016, lui et d’autres collègues ont été piégés par un agent double qui leur aurait fait miroiter une saisie de dix kilogrammes de cocaïne avec, comme toile de fond, le Grand Prix de Montréal. En réalité Djelidi et ses collègues faisaient l’objet d’une enquête interne baptisée Escouade.

On reprochait à Djelidi et aux autres des lacunes au niveau du contrôle de source et d’avoir exagéré les faits pour obtenir un mandat de perquisition.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

David Chartrand

Outre Djelidi, trois autres policiers ont été arrêtés, mais un seul d’entre eux a été accusé. Cet enquêteur de la région sud a lui aussi bénéficié d’un arrêt des procédures en novembre dernier.

Requêtes loin d’être frivoles

Cette volte-face dans le cas de Djelidi intervient alors que les parties s’apprêtaient à débattre de trois requêtes en révision de décaviardage, divulgation de preuve et arrêt des procédures présentées par la Défense.

L’enquête de l’équipe mixte, mise sur pied il y a deux ans par la Sûreté du Québec pour enquêter sur les allégations éclaboussant les affaires internes du SPVM, et qui se penche également sur les agissements des enquêteurs du projet Escouade, y serait aussi pour quelque chose.

Déjà le 7 novembre dernier, jour où les accusations contre l’autre enquêteur de la région sud ont été abandonnées, la juge Myriam Lachance de la Cour supérieure avait donné le ton.

« Ce que j’apprends sur l’enquête en cours (celle de l’équipe mixte) a un lien direct. Je vous ai toujours fait part de mes préoccupations au sujet du premier mandat (de l’enquête Escouade). C’est très préoccupant. Les requêtes qui m’ont été présentées ne sont pas frivoles. Nous ne sommes pas dans une expédition de pêche, au contraire », avait lancé la magistrate au procureur de la poursuite, Me Nicolas Poulin.

À la sortie de la salle d’audience ce matin, ce dernier a dit que la preuve était devenue insuffisante.

« La preuve admissible est souvent présumée au début des procédures. Mais par la suite, la divulgation et les procédures permettent de considérer avec plus de justesse le caractère admissible ou non de la preuve. Dans le cas de M. Djelidi, il ne reste presque plus de preuve admissible. Les résultats de l’enquête de l’équipe mixte figurent également au nombre des raisons », a expliqué Me Poulin.

« C’est sûr que les enquêteurs de l’équipe mixte ont rencontré bien des gens. On avait des déclarations différentes et des informations nouvelles qui nous permettaient de croire que nous n’avions pas eu toute la divulgation. Nous n’étions pas satisfaits », affirme pour sa part Me Gérald Soulière, avocat de M. Djelidi.

Inquiétudes

Toutes les accusations contre l’enquêteur Djelidi tombent en vertu de cet arrêt des procédures. Toutefois, l’enquêteur devrait encore faire l’objet de procédures au niveau disciplinaire, et le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francœur, a des appréhensions.

« Nous sommes très heureux de ce dénouement. Il aurait dû survenir il y a longtemps. Il y a eu, dans ce dossier, un acharnement qu’on ne comprend pas et nous sommes inquiets de la suite que les affaires internes donneront au dossier du point de vue disciplinaire. Malgré les nouvelles orientations et façons de faire évoquées par la nouvelle direction il y a encore des actions très discutables pris envers des individus impliqués dans le dossier Escouade », a déploré M. Francœur, sans vouloir préciser « ces actions très discutables ».

La direction du SPVM ne veut pas réagir pour le moment.

Notons que plusieurs des enquêteurs impliqués dans le projet Escouade et des officiers responsables des Affaires internes à cette époque — fin 2015 jusqu'en juillet 2016 — sont en congé de maladie ou encore suspendus, et font toujours ou ont fait l'objet d'une enquête de l'équipe mixte sur les allégations au SPVM.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.