Douze ans après avoir été poursuivie en discipline pour avoir supervisé des traitements d'orthodontie jugés « complètement illogiques » ou « impensables » par des experts, une professeure de l'Université de Montréal écope de 3000 $ d'amende et d'une réprimande.

L'affaire débute en 2002. Spécialiste en pédodontie, la Dre Hélène Buithieu encadre alors depuis cinq ans le travail d'orthodontie de résidents à la clinique dentaire du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine. Mais l'hôpital, insatisfait, envoie un rapport accablant à l'Ordre des dentistes du Québec.

Un expert y dénonce un « laxisme outrageux dans le suivi de [six] patients », une « grossière improvisation », un « manque de connaissance », des diagnostics « habituellement incorrects » et des « soins mal planifiés et exécutés ».

D'après lui, les résultats des traitements encadrés par la Dre Buithieu se sont révélés satisfaisants dans seulement 11 % des cas - ce qui pourrait être dû au fait qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une réévaluation en cours de route.

Un autre expert, sollicité par l'Ordre, abonde bientôt dans le même sens. 

La Dre Buithieu « a empiré [un] cas et a possiblement défiguré la patiente », indique son rapport, déposé en 2005 devant le Conseil de discipline. On y lit aussi qu'une enfant se trouve « handicapée » par l'extraction mal avisée d'une incisive.

Dans un autre cas, « même un étudiant en première année de médecine dentaire aurait pu constater à l'oeil qu'il n'y avait pas assez d'espace afin d'aligner les dents ». Et un autre traitement encore avait « une garantie d'échec de 100 % sans aucune chance de réussite ».

Convaincu que le public était en danger, le syndic a demandé au Conseil de discipline de limiter aussitôt le droit de pratique de la professeure, le temps d'entendre la cause au fond. Le Conseil a conclu que cela n'était pas nécessaire, la Dre Buithieu ayant déjà cessé de superviser les travaux d'orthodontie de résidents. Et rien ne prouvant que ses manquements comme superviseure la rendaient incapable de bien pratiquer l'orthodontie en cabinet privé.

Il a fallu 12 ans et 12 décisions additionnelles pour que la cause connaisse son dénouement, après de longs débats sur l'admission de nombreuses expertises et contre-expertises. Et après une demande d'arrêt des procédures, refusée.

AUCUNE AUTRE PLAINTE

En début d'année, le syndic a soudain atténué les chefs d'infractions (transformant l'omission de suivre les normes scientifiques en omission de refaire les calculs et mesures des résidents) ; la Dre Buithieu a plaidé coupable ; et le Conseil a imposé la réprimande, l'amende de 3000 $ et les frais d'expertise de 7200 $ proposés conjointement par les deux parties.

Aucune autre plainte n'a jamais été déposée contre la spécialiste, a justifié le tribunal, en précisant : « Jamais la sanction ne doit punir le professionnel. Son objectif est de corriger un comportement fautif. »

Jointe au téléphone, Hélène Buithieu a déclaré que les rapports d'experts initialement déposés contre elle n'avaient pas été faits dans les règles de l'art et que « c'est pourquoi les procédures ont duré aussi longtemps ».

De son côté, une porte-parole de l'hôpital a répondu par courriel que « la Dre Hélène Buithieu ne pratique plus au CHU Sainte-Justine depuis août 2009 ». Et que, comme l'indique la décision du Conseil, « dans les milieux universitaires, tous les gestes effectués par des résidents doivent être supervisés par le supérieur désigné ou un de ses collègues. C'est le cas dans tous les départements et services au CHU Sainte-Justine ».

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

La Dre Hélène Buithieu