Spectacle printanier insolite à Pise: des fêtards en costumes du Moyen-Âge applaudissent à tout rompre près de la célébrissime tour penchée pour fêter la nouvelle année 2013, neuf mois avant tout le monde.

L'ex-République maritime, puissance incontournable en Méditerranée durant son apogée, a décidé de ressusciter l'époque où elle avait son propre calendrier, qui commençait le 25 mars, soit neuf mois avant Noël pour célébrer la conception miraculeuse de Jésus-Christ.

«C'est fantastique, nous avons deux occasions de célébrer un nouveau départ, deux occasions de prendre - et de trahir ! - nos bonnes résolutions pour la nouvelle année», explique Maria Rossi, 23 ans, alors qu'une horde d'enfants en costumes multicolores déboule à ses côtés.

Selon la tradition, la nouvelle année débute officiellement lorsqu'un rayon de soleil passant à travers l'orifice d'un mur de la cathédrale de Pise frappe un oeuf de marbre, symbole de fertilité et de renouveau.

Une messe est alors célébrée pour commémorer l'Annonciation, lorsque l'archange Gabriel révèle à Marie qu'elle aura un enfant.

Mais en ce dimanche, le prêtre officiant a du mal à maintenir l'attention de ses fidèles, encore étourdis pas les festivités de fin d'année de la veille, durant lesquelles des milliers d'habitants se sont rassemblés sur les rives de l'Arno pour un spectacle son et lumières et des feux d'artifice.

«Au Xème siècle, la flotte de Pise dominait la Méditerranée, et avoir son propre calendrier était une autre manifestation de sa puissance», explique à l'AFP Fabrizio Franceschini, professeur à l'université de Pise. Ce calendrier fut aussi utilisé brièvement à Padoue et Milan (nord).

Le calendrier, mentionné pour la première fois dans des documents de 985, était utilisé en Toscane au côté du calendrier Julien, auquel venait s'ajouter le calendrier florentin, qui débutait lui aussi le 25 mars, mais avec un an de retard sur son équivalent pisan... L'ex-calendrier de Florence vient donc d'entrer en 2012!

«En 1749, le grand-duc de Toscane François 1er décida d'unifier la région en la soumettant à un seul calendrier et choisit le calendrier Grégorien, mais les Pisans reviennent maintenant à leurs racines culturelles et font revivre leur passé», observe le Pr Franceschini.

«Nous avons recommencé à fêter +notre+ Nouvel An à la fin des années 80, mais récemment c'est devenu un événement encore plus important qui s'étale sur deux jours», précise-t-il.

La rivalité intense entre Pise et Florence remonte à des siècles, et ces fêtes sont aussi un moyen pour la ville de ressusciter son ancienne gloire.

«Florence était peut-être le centre du pouvoir, mais nous sommes devenus le centre de l'excellence intellectuelle, et nous le sommes encore!» s'enthousiasme Luciano Galeotti, 77 ans, lors d'une procession à travers la ville.

Même son de cloche chez Chiara Ardito, une étudiante en droit déguisée en demoiselle d'honneur de la princesse Kinzica, qui selon la légende aurait sauvé Pise des envahisseurs sarrasins en 1004.

«Nous sommes peut-être une petite ville, mais tout comme Kinzica a défendu Pise nous avons l'occasion de contribuer à la grandeur de la Pise moderne», estime-t-elle.

Certains Pisans soulignent que leur tradition leur a permis de déjouer les prédictions fatidiques du calendrier maya pour 2012.

«Pour tout le reste de la planète, le monde est peut-être au bord du gouffre, mais nous réussissons à toujours retomber sur nos pieds», explique Dario, un agent immobilier, en montrant du doigt la fameuse Tour, qui reste debout depuis le XIIème siècle envers et contre tout.

«On est en 2013, on a réussi à battre les prédictions des Mayas!» affirme-t-il avec fierté.