«Aujourd'hui, nous allons évoquer les bruits émis par les couples faisant l'amour», lance d'une voix rauque l'animatrice de La nuit avec Chorena, un nouveau talk-show sur la sexualité à la télévision géorgienne qui fait scandale dans cette ex-république soviétique conservatrice.

Aussitôt se succèdent des images de couples qui poussent des cris et des gémissements dans cette émission diffusée par la chaîne de télévision Imedi, à l'origine d'une récente polémique après un reportage annonçant à tort une invasion russe en Géorgie.

Inauguré en janvier, le talk-show hebdomadaire propose des interviews de célébrités, des sondages sur la vie sexuelle et des clips de scènes érotiques puisées dans des films d'Hollywood.

«Nous essayons d'informer les Géorgiens sur le sexe», explique à l'AFP l'animatrice, Chorena Begachvili.

«Beaucoup de gens en Géorgie disent qu'ils n'ont pas besoin de davantage d'informations sur le sexe, mais croyez-moi, ils en ont vraiment besoin», affirme ce mannequin, âgé de 27 ans, qui a déjà posé pour l'édition géorgienne du magazine érotique américain Playboy.

Son émission a suscité de vives critiques dans le pays, à l'image de ce groupe d'étudiants qui s'est rassemblé récemment devant les locaux d'Imedi pour exiger le retrait de ce programme «pervers».

L'Union de parents orthodoxes, un groupe de pression religieux, a fait une demande analogue dans une lettre de protestation à la chaîne, dans laquelle elle exige aussi des excuses publiques de l'animatrice.

«Ce type de propagande pour l'immoralité est inacceptable pour nous, pour nos sensibilités religieuses, c'est en contradiction avec les valeurs traditionnelles chrétiennes», a estimé le vice-président de l'Union, Avtandil Ounguiadzé.

La controverse s'inscrit dans le cadre d'un débat plus large en Géorgie sur les valeurs sociales dans ce pays poursuivant sa transformation qui a débuté avec son indépendance de l'URSS en 1991.

Au cours des dernières années, en particulier depuis la Révolution de la rose en 2003, la Géorgie s'est tournée de plus en plus vers les États-Unis et l'Europe en ce qui concerne leurs modèles politiques et culturels.

Mais les attitudes libérales en Occident à l'égard du sexe se heurtent aux valeurs traditionnelles en Géorgie, où l'Eglise orthodoxe devient de plus en plus influente.

«De nombreux Géorgiens considèrent le sexe comme quelque chose de mauvais, comme un péché. C'est ce que nous essayons de changer», explique le directeur de l'émission, Besso Solomanachvili.

Dans un sondage réalisé en Géorgie en octobre 2009 par le Centre d'études Caucasus Research Resources Centre, 77% des personnes interrogées désapprouvent les relations sexuelles avant le mariage, et 90% d'entre elles l'homosexualité.

Une suggestion dans le talk-show, selon laquelle il ne faut pas attendre le mariage pour avoir des relations sexuelles, a provoqué de virulentes critiques.

«Appeler de jeunes Géorgiennes à avoir des relations avant le mariage nuit à la société», a protesté M. Ounguiadzé, dont le groupe envisage une action en justice contre Imedi.

Des responsables de la chaîne télévisée, quant à eux, se sont refusés à tout commentaire sur cette émission abordant des sujets tels la virginité, la satisfaction que procure la vie sexuelle et les relations sans lendemain.

Mais, en dépit de vives protestations, Chorena Begachvili enfonce le clou: «Le sexe est une chose banale et on ne peut pas vivre sans. Pourquoi ne pourrait-on pas en parler?», dit-elle.