La pire crise depuis 18 ans. La crise la plus importante d'une génération. Une crise dont l'ampleur nous dépasse.

Le chef adjoint du Parti libéral du Canada Michael Ignatieff n'a pas ménagé ses épithètes pour décrire les turbulences économiques actuelles, hier, à l'occasion d'une rencontre avec l'équipe éditoriale de La Presse. Et ces turbulences, selon lui, sont en train de créer des conditions très favorables pour son parti.

 

«Le momentum est avec nous, la crise a beaucoup changé les données», a-t-il dit, commentant les derniers sondages qui ont fait fondre l'écart entre libéraux et conservateurs à quelque cinq ou six points.

Pourquoi l'effondrement des marchés boursiers aurait-il surtout profité aux libéraux? «Parce que les électeurs ne peuvent plus se permettre le luxe d'un vote de protestation», croit Michael Ignatieff. Et aussi, note-t-il, parce que «partout dans le monde, on revient vers le gouvernement pour sauver la situation et que c'est bon pour les libéraux, qui ont toujours cru au rôle des gouvernements».

Des sondeurs estiment toutefois que la remontée des libéraux est surtout le résultat d'une érosion de la popularité du Parti conservateur. Qu'il s'agit, en quelque sorte, d'une progression par défaut.

«Ce ne sont pas tant les libéraux qui montent comme les conservateurs qui descendent», dit Derek Leebosh, de la firme de sondages Environics.

Selon lui, l'apparente nonchalance du chef conservateur Stephen Harper l'a fait paraître comme un «George W. Bush ou un John McCain disant: ne vous inquiétez pas, tout va très bien».

«Stephen Harper ne semble pas à l'écoute des inquiétudes des gens, il ne paraît pas comprendre la situation», note Claude Gauthier, de CROP.

Mais attention, prévient Derek Leebosh: cela ne signifie pas pour autant que les électeurs voient tout à coup Stéphane Dion comme «un magicien de l'économie» !

Pas de fausses promesses

Michael Ignatieff n'avait d'ailleurs aucune baguette magique à offrir, hier, pour atténuer la menace de récession. «Je ne veux pas faire de fausses promesses», a-t-il averti dès le début de l'entrevue, avant de reprocher aux conservateurs d'avoir mal évalué la situation et de ne pas avoir estimé à sa juste valeur l'ampleur de la crise.

Il s'est toutefois bien gardé de préciser le plan de sauvetage de 30 jours brandi par Stéphane Dion au débat des chefs. «D'abord, il faudra dresser un bilan et former des priorités claires. Est-ce qu'il faut investir d'abord dans le secteur manufacturier? Débloquer l'aide au secteur de l'auto? Je ne peux pas vous dire.»

Michael Ignatieff n'a pas non plus voulu chiffrer le plan libéral. «Mais au moins, nous, on a un plan», a-t-il répété, en s'en prenant à «l'arrogance et la maladresse» de Stephen Harper qui, dans une entrevue à la CBC, a invité les électeurs à profiter de la dégringolade boursière pour investir.

Sans vouloir faire de pronostics précis, le numéro deux du PLC a assuré que son parti gagnerait des sièges au Québec. Mais le parti, dans un état de grande désorganisation dans la province, a-t-il vraiment les moyens de tourner la débandade économique à son avantage?

«Avons-nous la capacité organisationnelle pour profiter de la situation au Québec? C'est une excellente question. Je ne peux pas y répondre...»

La rencontre avec Michael Ignatieff s'inscrivait dans le cadre de grandes entrevues que La Presse organise avec les chefs des principaux partis pendant la campagne électorale. Le Parti libéral a choisi de dépêcher le chef adjoint, plutôt que Stéphane Dion qui, a-t-on expliqué, ne disposait pas de suffisamment de temps.