Plus de 700 personnes ont assisté aux funérailles du parrain de la mafia, Vito Rizzuto, qui se sont déroulées de façon étonnamment sobre, hier, dans la Petite Italie.

Cette simplicité contrastait avec les obsèques du fils aîné du parrain, Nick Rizzuto Jr., qui avaient eu lieu presque jour pour jour il y a quatre ans dans la même église Notre-Dame-de-la-Défense. Pour ces funérailles, au cours desquelles le clan sicilien affichait encore une certaine grandeur, des gardes du corps allaient et venaient dans la rue Dante, où régnait une grande effervescence. Hier, rien de tout cela.

Derrière la porte principale de cette même église où le père de Vito Rizzuto, Nicolo, tué en novembre 2010, avait aussi reçu de nombreux hommages, cinq hommes à la mine patibulaire ciblaient les ouailles qui avaient commencé à arriver une heure avant la cérémonie. N'entrait pas qui voulait, et au moins deux journalistes ont été repoussés.

Le cortège, qui ne comptait pas moins d'une dizaine de limousines, s'est immobilisé devant l'église à 12h30 sous les yeux de nombreux badauds qui avaient bravé un froid ressenti de moins 25 degrés Celsius. «Adieu, mon ami», pouvait-on lire en anglais sur une gerbe de fleurs fixée à l'une des limousines. Une autre sur un véhicule de tête affichait le mot «Nonno», qui signifie grand-père en italien.

Chorale et... fourrures

Un lourd silence pesait dans l'église lorsque le cercueil de Rizzuto y est entré. Le prêtre a accueilli la famille à mi-chemin dans l'allée. Il a alors prononcé quelques mots en italien et a aspergé le cercueil or d'eau bénite. Avec la veuve, Giovanna, sa fille Libertina et son fils Leonardo en tête, le cortège d'une trentaine de proches s'est ensuite dirigé vers l'avant.

L'église, qui comporte environ 800 places, était presque pleine. Des femmes qui arboraient manteaux de fourrure et accessoires de luxe côtoyaient des hommes aux longs manteaux noirs.

La messe s'est déroulée entièrement en italien. Personne de l'assistance n'y a pris la parole. Une petite chorale de chanteurs d'opéra a interprété des chants religieux, accompagnée par un organiste, un violoniste et un trompettiste.

Surveillance policière

Comme c'est toujours le cas, des enquêteurs de différents services de renseignement de la police étaient sur place pour photographier et filmer les gens qui assistaient à la cérémonie. 

Pour la première fois lors de funérailles d'un mafioso, les policiers de l'escouade Éclipse, spécialisés dans la surveillance des débits de boisson pendant la nuit, ont arpenté les rues entourant l'église. Depuis la création de cette unité, il y a cinq ans, ses membres ont acquis une grande expertise en enquêtant sur les individus liés au crime organisé qui fréquentent ces établissements. D'ailleurs, ils avaient croisé dans des restaurants de la métropole le parrain et sa nouvelle garde rapprochée après son retour, en octobre 2012.

Le gratin

Mais si les policiers sont restés sur leur appétit hier, ça n'a pas été le cas la veille alors que plus de 1000 personnes, dont plusieurs liées au crime organisé, se sont rendues au Complexe funéraire Loreto pour présenter leurs condoléances à la famille Rizzuto. Parmi eux, Salvatore Cazzetta, considéré comme le chef des Hells Angels du Québec, et Gregory Woolley, un homme proche des motards et de la mafia qui aurait préparé le terrain en vue du retour du parrain en 2012.

Plusieurs individus liés à la mafia italienne de Montréal, dont le numéro deux des Siciliens, Rocco Sollecito, et des chefs de clan de différents secteurs de la métropole ont également été vus sur les lieux. Sollecito et ses fils sont pressentis pour assurer l'intérim à la direction de la mafia, au moins d'ici à ce qu'un nouveau parrain ou tuteur soit nommé.

Selon nos sources, plusieurs dizaines d'Ontariens, dont des membres de la famille Cammalleri, belle-famille de Vito Rizzuto, étaient aussi présents, forçant le déplacement à Montréal d'enquêteurs de la Police provinciale de l'Ontario. Des membres de l'industrie de la construction étaient également représentés.

Une représentante de La Presse a remarqué une couronne de la famille Cotroni - qui dirigeait la mafia avant l'arrivée au pouvoir des Rizzuto -, une autre à l'effigie des Hells Angels portant le prénom «Steve» ainsi que d'autres couronnes provenant d'entrepreneurs connus ou qui avaient été offertes par des familles de New York ou de l'Italie. Une camionnette arborant un drapeau des Warriors mohawks était également présente.

Vito Rizzuto, qui était atteint d'un cancer, a succombé à des complications pulmonaires le 23 décembre à l'âge de 67 ans. Selon nos informations, il aurait subi un dernier traitement de chimiothérapie vers le 10 décembre. La police craint que sa mort soudaine ne provoque des remous au sein de la mafia.

- Avec la collaboration d'Audrey Ruel-Manseau

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