Carlos Alcaraz avait deux rêves : gagner un tournoi du Grand Chelem et devenir numéro un mondial. Il a réalisé les deux, dimanche, en battant Casper Ruud en quatre manches de 6-4, 2-6, 7-6 et 6-3 en finale des Internationaux des États-Unis.

Tout s’est joué au bris d’égalité de la troisième manche. Les deux joueurs avaient chacun une manche en poche. Le début de la troisième avait été à l’avantage d’Alcaraz, qui avait brisé Ruud d’entrée de jeu, mais le Norvégien est revenu plus fort avec un bris trois jeux plus tard. Tous les autres points ont été chaudement disputés et les deux gladiateurs se sont rendus au bris d’égalité, juste après que l’Espagnol eut rejeté deux balles de manche.

C’est lors du dernier jeu qu’Alcaraz a prouvé qu’il méritait d’être champion. Des services mordants, des retours puissants et un jeu largement supérieur à celui de son adversaire, qui a vu tout ce qu’il avait construit depuis près de trois heures s’effondrer. Des balles qui touchent son cadre de raquette, des fautes directes et un rythme brisé. Le jeune homme de 19 ans a filé avec la manche et ultimement le championnat.

Il y avait de quoi être fébrile à l’aube de cette finale. Deux jeunes joueurs dans la fleur de l’âge qui ont connu une année exceptionnelle et qui se sont révélés comme étant les visages d’une nouvelle génération. À l’enjeu, le dernier majeur de la saison, mais surtout le sommet du classement mondial. Un quitte ou double comme rarement il en est présenté.

« C’était une journée spéciale pour Carlos et moi. Nous savions pour quoi nous jouions. Nous savions ce qui était à l’enjeu », a souligné Ruud après la défaite.

Alcaraz affichait quand même l’étiquette de favori. Ses matchs marathons de quart et de demi-finale contre Jannik Sinner et Frances Tiafoe resteront gravés dans la mémoire des amateurs de tennis pendant longtemps. L’Espagnol avait aussi gagné quatre titres cette saison, dont trois sur terre battue, sa surface de prédilection. Révélation de l’année 2022, Alcaraz avait rendez-vous avec l’histoire au stade Arthur-Ashe, lui qui, il y a un an à peine, remportait le tournoi NextGen de l’ATP réservé aux meilleurs espoirs du tennis.

Une finale de qualité

Ce match peut difficilement être résumé par une simple analyse statistique. Il a offert un jeu si pur qu’il serait malsain de ne s’en tenir qu’au nombre de bris et de coups gagnants.

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Carlos Alcaraz

Alcaraz et Ruud ont offert du jeu inspiré et une finale qui pourrait être montrée à des extraterrestres pour expliquer ce qu’est du tennis de qualité. Des coups variés, des montées au filet, des jeux spectaculaires, des gestes d’esprit sportif et la démonstration d’une maîtrise phénoménale auront marqué cette finale entre deux joueurs qui étaient en quête d’un premier titre en Grand Chelem.

En fin de compte, Alcaraz aura pu exploiter la seule faiblesse que Ruud aura laissé paraître : ses retours et les balles en fond de terrain du côté revers. Ce qui est somme toute assez surprenant, étant donné qu’en début de match, c’est Alcaraz qui était contraint de commettre des erreurs. Le Norvégien de 23 ans poussait énormément de balles en fond de terrain et rattrapait toutes les attaques de son opposant. De son côté, Alcaraz cherchait trop le jeu parfait, ratait ses amortis et calculait mal ses montées au filet.

Fatigue et pression

Comme Alcaraz avait joué beaucoup plus que Ruud pendant la quinzaine, il était normal que l’Espagnol semble à certains moments plus épuisé que son rival. Or, même si ce n’était pas flagrant, Ruud a profité de cette situation. Il a fait balader abondamment son adversaire et a remporté la très grande majorité des échanges qui dépassaient la dizaine de coups.

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Casper Ruud

Cependant, Alcaraz voulait se battre et il était prêt à aller jusqu’au bout de ses capacités. D’ailleurs, à Montréal il y a quelques semaines, il avait été éliminé dès son premier match et après celui-ci, il avait expliqué qu’être identifié comme la deuxième tête de série lui avait mis peut-être trop de pression. Cette pression s’est multipliée dans la Grosse Pomme, même s’il semble bâti pour les grands moments.

« Je suis un peu fatigué, a-t-il dit en riant après la rencontre. Ce n’était pas le temps d’être fatigué lors du dernier match d’un tournoi majeur. Il faut tout donner. J’ai travaillé trop fort pour être ici. »

Il a fait fi de la fatigue et de la pression pour remporter la quatrième manche assez aisément. Il était redevenu explosif, précis, et ses jambes semblaient si légères. Le jeune homme était en mission.

Il a conclu sa première finale en tournoi du Grand Chelem avec un service sortant que Ruud a à peine effleuré.

« J’ai ce rêve depuis que j’ai tenu une raquette pour la première fois. J’ai travaillé tellement fort. C’est difficile d’exprimer ce que je ressens présentement. »

Sous le tonnerre d’applaudissements des 23 000 personnes réunies pour être témoins de l’histoire, Alcaraz est devenu le plus jeune joueur à gagner un tournoi du Grand Chelem depuis Rafael Nadal en 2005, mais surtout, le plus jeune numéro un mondial de tous les temps.

Alcaraz « est à 60 % de son potentiel »

Carlos Alcaraz est encore loin de son plein potentiel à 19 ans, croit son entraîneur Juan Carlos Ferrero. « Je pense qu’il est à 60 % de son potentiel. Il peut encore améliorer beaucoup de choses. Il sait, et je sais que nous devons continuer de travailler », a indiqué Ferrero en conférence de presse. « Une fois qu’on est numéro 1, ce n’est pas fini. Il faut continuer de travailler, de jouer à un très haut niveau et de gagner. Il le sait, je le sais et je serai toujours tout près de lui pour le lui rappeler », a insisté Ferrero, qui n’est pas surpris de la victoire de son poulain à Flushing Meadows. « Carlos est né pour jouer ce genre de matchs, de tournois. C’est un immense compétiteur. Il est toujours là, il essaye toujours. Il l’a démontré lors de ses derniers matchs », a souligné Ferrero.

Agence France-Presse