Ce Wimbledon devrait susciter beaucoup d’intérêt, ne serait-ce que parce qu’il n’a pas eu lieu l’an dernier. Novak Djokovic rejoindra-t-il Roger Federer et Rafael Nadal avec un 20e titre majeur ? Serena Williams réussira-t-elle à profiter d’un tableau accessible pour enfin mettre la main sur son très attendu 24e trophée en Grand Chelem ? Survol d’une édition potentiellement historique.

« Il semble être en mission »

En l’emportant à Wimbledon, Novak Djokovic égalerait Roger Federer et Rafael Nadal avec 20 titres majeurs. Mais il en veut bien plus.

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Novak Djokovic compte bien triompher à Wimbledon pour la sixième fois.

Novak Djokovic pouvait porter un grand coup en remportant Roland-Garros. Il l’a fait. Après son triomphe, il a affirmé viser le « Golden Slam » cette année, soit les quatre majeurs et le tournoi olympique.

« C’est comme dire après six manches : “Je suis sur le point de réussir un match sans point ni coup sûr” », a illustré John McEnroe, mardi, à l’occasion de la traditionnelle rencontre médiatique d’ESPN qu’il tient avec Chrissie Evert avant les tournois majeurs. « À ce stade, le fait qu’il dise cela vous montre à quel point il croit pouvoir le faire. »

Si le corps du Serbe résiste – « son plus gros obstacle », selon McEnroe –, l’ex-joueur devenu analyste y croit. En mettant la main sur Roland-Garros, le numéro un mondial a remporté la plus difficile des cinq épreuves pour lui.

« C’est le meilleur joueur qui ait jamais vécu, je dirais, sur des courts en dur. S’il est capable de se maintenir en santé, je pense qu’il a une bonne chance de gagner le slam », avance le gagnant de sept tournois du Grand Chelem.

À 34 ans, le Djoker ne semble pas vouloir ralentir. Ce Wimbledon – où il compte triompher pour la sixième fois – deviendrait son 20titre majeur. Il se retrouverait ainsi sur la première marche du podium avec Federer et Nadal. Une marche beaucoup trop étroite pour ces trois hommes.

« Je pense qu’il pourrait le faire, corrobore Chrissie Evert à propos des ambitions du Serbe cette année. Ce n’est pas du tout irréaliste. Il vient de nous montrer à Roland-Garros pourquoi il est différent des autres. Sa réserve est juste plus profonde que celle de n’importe qui. »

Le jeu de Novak Djokovic n’est pas « tape-à-l’œil », décrit Evert, gagnante de 18 titres majeurs. Certains diront même qu’il n’est pas le plus intéressant à voir jouer.

Mais son équilibre, ses réflexes, sa flexibilité sont hors du commun. Sans compter sa gestion du match. Sa patience dans les moments creux, son habileté à profiter de toutes les occasions et sa solidité mentale dans les points clés lui confèrent parfois une aura de quasi-invincibilité.

« Et il semble être en mission », ajoute l’analyste américaine.

D’entrée, il se frottera au Britannique de 19 ans Jack Draper, qui a bénéficié d’un laissez-passer. Tout un baptême au tableau principal de Wimbledon pour le jeune joueur.

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Roger Federer

Maître du gazon londonien avec huit titres – son plus récent en 2017 –, Roger Federer ne compte pas regarder Djokovic le doubler. Évidemment, il a tout misé sur Wimbledon cette année. Mais à presque 40 ans, il semble à court de ressources depuis son retour peu fructueux.

« Comment le corps va-t-il tenir le coup ? Peut-il traverser sept matchs ? C’est incertain », reconnaît McEnroe.

Cela dit, on a maintes fois enterré la légende suisse dans le passé. Federer a-t-il encore une bonne carte à jouer ?

« Je pense que ça va être une bataille difficile pour Roger, a poursuivi Chrissie Evert. Après le dernier match qu’il a perdu [à Halle, contre Félix Auger-Aliassime], il disait être tellement déçu de lui-même qu’il a dû prendre quelques heures pour y penser. »

L’âge et les années sur le circuit font tout simplement leur œuvre, dit-elle. Ce n’est pas une question de volonté, mais de capacité.

Son premier défi du tournoi aura pour nom Adrian Mannarino, 42e mondial, vétéran gaucher français au style atypique.

En raison de la pandémie de COVID-19, Wimbledon sera disputé devant une assistance limitée à la moitié de sa capacité habituelle.

L’an dernier, le plus vieux tournoi de tennis du monde avait été annulé, une première depuis la Seconde Guerre mondiale.

« L’occasion en or » de Serena

Tous s’entendent néanmoins sur le fait que Wimbledon demeure la meilleure chance de Roger Federer de gagner un autre tournoi majeur. Et il en est de même pour Serena Williams, toujours à un triomphe de rattraper Margaret Court et ses 24 succès en Grand Chelem.

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Serena Williams

Le Wimbledon de cette année, en particulier, constitue un bon coup pour Williams. Parce que les meilleures joueuses sont diminuées, voire absentes.

« C’est, selon moi, son occasion en or, affirme Chrissie Evert. Le grand défi pour elle, dans mon esprit, sera d’enchaîner sept matchs où elle joue à un haut niveau mentalement et physiquement. C’est toujours, pour les athlètes vieillissants, la question à mille dollars : peuvent-ils enchaîner sept matchs de haute qualité ? Rester en bonne santé physique et mentale, demeurer impliqués et présents à chaque match. »

Parmi les joueuses présentes les plus menaçantes pour Williams, la quasi-totalité n’a pas fait de grands résultats sur gazon.

Par contre, à l’opposé de la génération précédente, les plus jeunes ne sont pas intimidées par la championne. Elles jouent sans crainte, avec confiance. La doyenne ne jouit plus de l’avantage psychologique.

D’entrée, la cadette des sœurs Williams affrontera la Biélorusse Aliaksandra Sasnovich, 100e mondiale.

L’Américaine aux 855 victoires et 73 titres en carrière – qui aura 40 ans le 26 septembre – n’a plus remporté de tournoi majeur depuis les Internationaux d’Australie de 2017.

Elle a subséquemment atteint les finales de Wimbledon et des Internationaux des États-Unis en 2018 et 2019, échouant à chacune de ces quatre occasions.

Auger-Aliassime ou Shapovalov ?

La Presse a demandé à John McEnroe qui, à son avis, de Félix Auger-Aliassime ou Denis Shapovalov, connaîtrait le plus de succès sur gazon à ce Wimbledon et dans l’avenir. Lequel des deux possède les meilleurs outils pour cette surface unique ?

« Question très difficile. Les deux pourraient aller assez loin dans ce tournoi, sans aucun doute. Je pense qu’ils ont fait de grands progrès. Denis est un peu plus avancé. Je lui donnerais un léger avantage. Félix vient de battre Roger. Sa confiance est à la hausse. Il cherche à être plus agressif et à aller plus loin.

« C’est un choix difficile. Je donnerais à Denis un léger avantage pour le moment. Mais je pense que les deux vont gagner des titres majeurs dans un avenir pas si lointain. »

Les yeux rivés sur…

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De grands joueurs seront absents à Wimbledon : Rafael Nadal, Simona Halep, Naomi Osaka, Dominic Thiem et Milos Raonic, notamment. Mais d’autres pourraient tirer profit de ce tableau plus ouvert.

C’est devenu la norme cette année en Grand Chelem. De grands noms seront absents à Wimbledon : Rafael Nadal, Simona Halep, Naomi Osaka, Dominic Thiem et Milos Raonic, notamment. Zoom sur quelques-uns de ceux et celles qui figureront aux tableaux.

Roger Federer

Vrai qu’il n’a pas été convaincant depuis son retour cette année. Une fiche globale de 5-3, défait par Félix Auger-Aliassime à son deuxième match à Halle, un tournoi préparatoire sur gazon que le Suisse a gagné 10 fois. Mais avec huit titres, Federer, actuellement numéro 8 mondial, est le maître incontesté de Wimbledon. Impossible de l’ignorer. On l’a souvent dit au bout du rouleau. À quelques semaines de ses 40 ans, après des opérations à un genou, la légende peut-elle encore sortir un lapin de son chapeau ?

Novak Djokovic

On l’a écrit précédemment, un sixième sacre sur la pelouse de l’All England Club placerait le Serbe à égalité au sommet de la colonne des titres en Grand Chelem avec Roger Federer et Rafael Nadal. Qui sait où il s’arrêterait ensuite ? Le Djoker, toujours bon premier au classement mondial, a remporté cinq des neuf derniers Wimbledon, dont trois contre Federer. Djokovic n’a toutefois disputé aucun match préparatoire en simple sur gazon. Sa dernière présence en solo sur cette surface remonte… à sa victoire en finale contre le Suisse à Wimbledon en 2019.

Matteo Berrettini

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Matteo Berrettini

Parmi les non-trentenaires, on parle abondamment des Medvedev, Tsitsipás, Thiem, Zverev, Rublev. Avec raison. Mais l’Italien semble souvent passer sous le radar. Pourtant, il occupe le 9e échelon mondial. Il montre un dossier de 26-6 cette année, de même que deux titres, dont celui de Londres tout récemment, sur gazon, où il a gagné 56 de ses 58 jeux au service. Et, des six joueurs nommés dans cette capsule, il est de loin celui qui présente la plus belle fiche à vie sur gazon (18-5).

Daniil Medvedev

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Daniil Medvedev

On a hésité ici. Alexander Zverev ? Andrey Rublev ? On peut légitimement anticiper un beau parcours de ces derniers. Mais allons-y avec Medvedev, qui fait bien en Grand Chelem cette année : finale en Australie, puis quart à Roland-Garros, où il n’avait pas gagné un seul match auparavant. Le numéro 2 mondial n’est toutefois jamais allé plus loin que le troisième tour à Wimbledon. Le longiligne Russe peut faire mieux. Ça devrait être le cas cette année.

Ugo Humbert

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Ugo Humbert

Une carte cachée. Pas prétendant au titre, mais pourrait bien faire. Le jeune Français de 22 ans vient de remporter un premier titre sur gazon à Halle, après avoir fait les quarts la semaine précédente à Stuttgart. Maintenant 25e mondial, il avait atteint la ronde des 16 au dernier Wimbledon, il y a deux ans, sortant les têtes de série Gaël Monfils et Félix Auger-Aliassime. Le gazon semble donc lui plaire. Cela dit, il affrontera le talentueux, bien qu’imprévisible, Nick Kyrgios au premier tour.

Serena Williams

Prise 3. La numéro 8 mondiale finira-t-elle par remporter ce 24Grand Chelem qui lui permettrait de rejoindre Margaret Court ? On se risque à avancer qu’il s’agit de sa meilleure chance. Wimbledon est le tournoi majeur qu’elle a gagné le plus souvent (sept titres), à égalité avec les Internationaux d’Australie. Et le tableau féminin est plus ouvert que jamais cette année. Cela dit, elle foulera le gazon anglais sans avoir disputé une seule rencontre depuis Roland-Garros. Si elle devait échouer à Londres, il lui resterait les Internationaux des États-Unis… qu’elle n’a pas enlevés depuis 2014. Et elle aura bientôt 40 ans…

Petra Kvitova

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Petra Kvitova

Des blessées qui n’y seront pas, d’autres qui y seront, mais pas à 100 %. Sans compter l’absence de Naomi Osaka. Et parmi les joueuses présentes, celles qui ont beaucoup de références à Wimbledon, voire sur gazon, ont connu leurs meilleures années. Aussi bien mettre tous les noms dans un chapeau. Mais pourquoi pas Petra Kvitova ? La Tchèque de 31 ans a remporté ses deux victoires en Grand Chelem à Wimbledon. En contrepartie, la numéro 10 mondiale n’a fait que deux tours à Melbourne et à Roland-Garros cette année et elle devra se débarrasser de Sloane Stephens d’entrée. Intrigant, tout de même, dans le contexte actuel.

Aryna Sabalenka

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Aryna Sabalenka

La Biélorusse n’a, à ce jour, pas de parcours intéressant à Wimbledon. Mais n’oublions pas que la 4e joueuse mondiale n’a que 23 ans et que le tournoi anglais n’a pas eu lieu l’an dernier. Depuis deux ans, Sabalenka a beaucoup progressé. Avec un tableau aussi ouvert, peut-être se faufilera-t-elle. Elle montre un dossier de 29-10 en 2021 et a ajouté deux titres, atteignant ainsi la dizaine en carrière.

Iga Swiatek

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Iga Swiatek

On pourrait presque copier-coller le texte d’Aryna Sabalenka ici… La Polonaise, championne de Roland-Garros l’an dernier, n’a pas de références à Wimbledon. Mais, dans le cas de la numéro 9 mondiale, c’est encore plus justifiable : elle n’a que 20 ans. Cette année, elle a fait la ronde des 16 aux Internationaux d’Australie et les quarts de finale à Roland-Garros. L’une des joueuses les plus prometteuses du circuit WTA, elle est en pleine ascension. Un deuxième titre du Grand Chelem à cet âge confirmerait son statut de supervedette.

Belinda Bencic

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Belinda Bencic

Celle-ci est une long shot, comme on dit. Et si la nation suisse ramenait un autre Grand Chelem, mais chez les femmes cette fois ? À première vue, c’est irréaliste. Mais Bencic a fait une finale dans sa préparation pré-Wimbledon. On a l’impression qu’elle est là depuis longtemps, mais elle n’a que 24 ans. Numéro 11 mondiale, elle a déjà atteint la demi-finale d’un Grand Chelem, celle des Internationaux des États-Unis, il y a deux ans. Battue par une certaine Bianca Andreescu. Du point de vue du tennis canadien, du moins, la suite est passée à l’histoire.

En chiffres

20

Depuis 2000, la moitié des 40 places en finale du tableau féminin ont été occupées par une Williams : 11 présences pour Serena (7-4) et 9 pour sa sœur Venus (5-4).

31

C’est le nombre de finales en Grand Chelem disputées par Roger Federer, premier de tous les temps à ce chapitre. Il est toutefois suivi de près par Novak Djokovic (29) et Rafael Nadal (28). Le suivant ? Ivan Lendl, avec 19.

Source : Associated Press ; informations colligées par Frédérick Duchesneau, La Presse