«Il fait tellement froid cette année à Roland-Garros qu'on n'a même pas le temps de se réchauffer sur le court, disait mardi la Russe et 5e mondiale Elena Dementieva. C'est très mauvais pour les problèmes musculaires. Quant aux interruptions pour cause de pluie, c'est très dur pour le mental.»

C'était une heure après sa victoire en quart de finale contre sa compatriote, la géante Nadia Petrova, aujourd'hui au 19e rang. Une partie chaotique de plus, qui s'est jouée sous une pluie fine et intermittente, par une température de 15 degrés. Dementieva demande une interruption au sixième jeu du premier set pour faire mettre un bandage sur sa cuisse. Petrova aligne les services et les coups droits ultra puissants et l'emporte 6-2. Elle paraît imbattable: la veille, elle s'est débarrassée de Venus Williams et pourrait prétendre au titre, tant le tableau féminin est bizarre. Au milieu de la deuxième manche, c'est Petrova qui sort pour faire soigner sa cuisse. Puis, à son tour, elle perd 6-2. Dementieva emporte la troisième manche 6-0.

Le mauvais temps qui s'est acharné sur Roland-Garros jusqu'à hier après-midi - interruptions en séries, terrain humide, températures fraîches - explique en partie l'incohérence qui s'est emparée du tournoi féminin. En début de deuxième semaine, on constatait que plusieurs des grandes favorites avaient été précocement éliminées.

Les pronostics se portaient alors, faute de mieux, sur Justine Henin, sortie de deux ans de retraite et aujourd'hui âgée de 28 ans. Et sur Serena Williams, numéro 1 mondiale, mais tout de même à la veille de ses 29 ans. Pratiquement l'âge où Steffi Graf a pris sa retraite après avoir gagné 22 titres du Grand Chelem et occupé le duo de tête pendant dix ans. Henin et Williams étaient sans doute logiquement favorites, mais le tableau restait «très ouvert», et dans le désordre une demi-douzaine de joueuses du «top 20» pouvaient prétendre à la victoire. Surtout après le revers de la Danoise Caroline Wozniacki, numéro 3 mondiale et âgée seulement de 20 ans, sèchement battue en quart par la vieille routière italienne Francesca Schiavone, 29 ans, et qui n'avait jamais dépassé un troisième tour dans les grands tournois.

Serena est éliminée à son tour

L'incohérence a atteint un certain niveau de perfection, hier, en début d'après-midi avec l'élimination en trois sets de Serena Williams. Aux mains d'une Australienne, Samantha Stosur, qui avait elle même créé la surprise en battant Henin en trois sets, lundi.

Stosur s'était fait remarquer au Roland-Garros précédent, à la fois par ses lunettes de soleil qu'elle porte en permanence et une constitution très athlétique. Grâce à un service puissant et un mental solide, elle avait atteint les demi-finales à la surprise générale. Mais bon, Stosur n'est pas exactement la jeune révélation de l'année: elle a eu 26 ans en mars dernier et a déjà huit années de présence sur le circuit féminin. Ce n'est pas une nouvelle Monica Seles.

On suppose que, ces jours-ci, elle traverse une période de confiance et de bonne forme. En tout cas, hier après-midi, elle ne s'est pas laissé impressionner par l'importance de l'enjeu ou le classement de la première mondiale. Encore plus que sa soeur Venus, Serena applique la devise de la famille Williams: ça passe ou ça casse. Quand la première balle de service passe, ça donne des as (13 hier) ou des points gagnants (39, y compris les services). Mais comme la patience n'est pas une vertu familiale, et que Serena n'est plus au sommet de son art, il y a eu également 46 fautes directes, contre seulement 24 pour Stosur.

Costaude dans sa tête

Celle-ci aurait cependant pu craquer mentalement. Après avoir empoché facilement le premier set, elle avait réussi au second à prendre les services de Serena au moment opportun et, à 5-3, à servir pour la victoire. C'est à ce moment qu'elle multiplie les fautes, dont deux au service, perd le jeu, puis le match au jeu décisif. On pensait que Samantha allait s'effondrer en se repassant le film de cette occasion perdue. En fait, l'Australienne est plus costaude qu'il n'y paraît dans sa tête. Au troisième set, Serena obtient une balle de match contre elle. Elle la sauve, revient à égalité. Et engage sans trembler un bras de fer qui la mène finalement à la victoire 8-6.

Est-elle favorite pour autant? Au stade où en sont les choses, et après tant de surprises, les quatre demi-finalistes sont des gagnantes possibles. On a beau avoir un faible pour Elena Dementieva, éternelle candidate à un titre du Grand Chelem, charmante blonde qui parle presque parfaitement français, Schiavone, Stosur et Jankovic pourraient tout aussi bien être couronnées samedi.

À ce détail près qu'elles ont en commun: âgées de 25, 26, 28 et 29 ans, aucune d'entre elles ne sera la future star du tennis féminin.