Un bain de sang est survenu jeudi dans le nord de la bande de Gaza après qu’une foule de Palestiniens affamés s’est précipitée vers un convoi humanitaire escorté par des troupes israéliennes.

Le Hamas, qui dit avoir recensé 112 morts et 760 blessés, accuse les soldats d’avoir perpétré un « massacre » en ouvrant le feu sur des milliers de civils qui ont entouré les camions à leur arrivée au sud-ouest de la ville de Gaza.

L’armée israélienne, qui rejette cette version, affirme que la plupart des victimes ont été bousculées ou piétinées lors de la ruée vers les véhicules ou encore écrasées lorsque les chauffeurs ont tenté d’avancer malgré tout.

Un porte-parole de l’armée, Daniel Higari, a déclaré que le convoi était protégé par des tanks israéliens qui ont tenté de disperser la foule avec « quelques tirs de sommation » avant de se replier pour éviter de faire des blessés. « Il n’y a eu aucune frappe en direction du convoi », a-t-il précisé.

Un autre représentant de l’armée avait précisé plus tôt dans la journée que des soldats avaient tiré sur un groupe hostile de Palestiniens avançant dans leur direction, faisant quelques victimes.

Un résidant de Gaza blessé par balle, Kamel Abu Nahel, a déclaré à l’Associated Press que les troupes israéliennes avaient tiré sur la foule pour la disperser et ouvert le feu une seconde fois lorsque les gens avaient tenté de se rapprocher de nouveau des camions, faisant des dizaines de victimes.

Un médecin dans un hôpital local a indiqué par ailleurs qu’un grand nombre de patients avaient été blessés par balle.

Insécurité alimentaire « catastrophique »

L’administration du président américain Joe Biden, qui soutient Israël dans le cadre de la guerre en cours à Gaza, a indiqué qu’elle tentait de voir clair dans les versions « contradictoires » avancées par les deux camps, tout en s’inquiétant de l’impact possible de ces développements sur la recherche d’un cessez-le-feu.

Un porte-parole du département d’État, Matthew Miller, a déclaré que les Palestiniens s’étaient précipités sur les camions « parce qu’ils ont faim, qu’ils ont besoin de nourriture », témoignant de la nécessité de faciliter l’entrée d’aide humanitaire dans la bande de Gaza.

Il y a quelques semaines, le Programme alimentaire mondial (PAM) a indiqué qu’il devait suspendre l’envoi d’aide dans le nord du territoire palestinien parce que des convois avaient été pris d’assaut par des Palestiniens affamés.

Le drame de jeudi survient alors que les mises en garde relativement à la gravité de la situation humanitaire et au risque de famine se multiplient.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Palestiniens pleurant leurs proches, jeudi à Gaza

Selon une analyse des Nations unies produite à partir d’informations colligées sur le terrain en janvier, près du quart de la population de la bande de Gaza de 2,2 millions d’habitants fait face à un niveau d’insécurité alimentaire « catastrophique ».

Une « punition collective » infligée à la population

Le nord de la bande de Gaza, qui avait été visé d’abord par Israël en réponse à l’attaque meurtrière du Hamas du 7 octobre, est la zone la plus touchée.

Plus de 15 % des enfants palestiniens qui y vivent souffrent de malnutrition aiguë, contre 5 % de ceux qui sont à Rafah, ville du Sud, où le gros de la population de la bande de Gaza a été forcé de s’établir sous la pression militaire israélienne.

Les gens sont forcés de manger de la terre, des plantes et de la nourriture d’animaux.

Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Oxfam-Québec

La directrice générale d’Oxfam-Québec, Béatrice Vaugrante, s’alarme de la prévalence élevée de maladies infectieuses liée à l’absence d’eau potable.

Près de 80 % de la population de la bande de Gaza dépendait avant le lancement de l’offensive israélienne de l’aide humanitaire dans un contexte où les commerces regorgeaient de produits issus notamment de la pêche ou de l’agriculture locale, où les boulangeries fonctionnaient et où l’eau potable était facilement accessible.

La description donne une idée de l’ampleur des besoins actuels, relève Mme Vaugrante, qui reproche à Israël de freiner l’entrée de l’aide sur le territoire palestinien en multipliant les contrôles pour infliger une « punition collective » à la population.

Camions d’aide bloqués à la frontière

La Cour internationale de justice a ordonné fin janvier à Israël de prendre des mesures pour faciliter l’arrivée de l’aide humanitaire, mais le nombre de camions autorisés à passer a chuté depuis et ne représente plus que 15 % de ce qu’il était avant la guerre, calcule la représentante d’Oxfam-Québec.

Le PAM a précisé il y a quelques jours que des centaines de camions chargés de biens de première nécessité attendaient à la frontière de Gaza et pourraient lui permettre d’intensifier rapidement ses opérations pour nourrir l’ensemble de la population du territoire palestinien.

Le représentant permanent adjoint d’Israël aux Nations unies, Jonathan Miller, a assuré de son côté il y a quelques jours que l’organisation internationale était responsable de la situation et devait chercher à distribuer l’aide « plus efficacement » pour corriger le problème.

L’armée israélienne a indiqué par ailleurs jeudi qu’elle « reconnaissait la souffrance des personnes innocentes de Gaza » et cherchait des façons d’« élargir ses efforts humanitaires ».

« Nous sommes en guerre avec le Hamas, pas avec la population de Gaza », a déclaré Daniel Higari.