L’armée israélienne bombarde la bande de Gaza dimanche malgré les appels internationaux à la retenue afin de protéger les civils et sur fond d’« impasse » pour renouveler la trêve avec le mouvement islamiste palestinien Hamas.  

Ce qu’il faut savoir

  • L’armée israélienne affirme avoir visé plus de 400 objectifs dans la bande de Gaza depuis vendredi.
  • Le gouvernement dirigé par le Hamas a annoncé samedi que 240 personnes avaient été tuées et 650 autres blessées depuis l’expiration de la trêve à Gaza.
  • Les négociateurs israéliens ont quitté samedi le Qatar, car les discussions sur une nouvelle trêve avec le Hamas étaient « dans l’impasse ».
  • Les premiers camions d’aide depuis la fin de la trêve sont entrés au poste-frontière avec Gaza via le terminal égyptien de Rafah.
  • La trêve entre Israël et le Hamas a permis la libération de 105 otages et celle de 240 prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Au cours de la nuit, l’armée israélienne a dit avoir frappé « plus de 400 cibles » dans la bande de Gaza depuis la reprise des combats vendredi qui a fait au moins 240 morts selon le ministre de la Santé de l’administration du Hamas.  

La branche armée du Hamas et celle du Djihad islamique affilié ont par ailleurs annoncé avoir tiré samedi « des barrages de roquettes » visant plusieurs villes d’Israël, dont Tel-Aviv.  

PHOTO FADI SHANA, REUTERS

Des gens pleurent la mort de Palestiniens tués lors des frappes israéliennes à l’hôpital Nasser, à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 2 décembre.

De son côté, l’armée israélienne a fait état de « plus de 250 roquettes » tirées et de deux soldats tués samedi, les premiers depuis la reprise des combats.  

Et une frappe à l’aube dimanche a fait au moins sept morts dans le secteur de Rafah, à la pointe sud de la bande Gaza, près de la frontière avec l’Égypte, a indiqué le gouvernement du Hamas.  

PHOTO MAHMUD HAMS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des habitants du complexe résidentiel Hamad Town, financé par le Qatar dans le sud de la bande de Gaza fuient leur domicile de Khan Younès après avoir reçu une notification de l’armée israélienne d’une frappe imminente, le 2 décembre.

Déployée sur le terrain dans le nord de la bande de Gaza, l’armée israélienne a multiplié les frappes aériennes dans le sud de ce territoire où des centaines de milliers de Palestiniens ont été déplacés par le conflit.  

« En étendant nos opérations militaires, nous remplissons deux objectifs. Premièrement, nous frappons le Hamas, nous éliminons plus de terroristes, plus de commandants, plus d’infrastructures terroristes, plus de tunnels […] et nous créons les conditions pour forcer (le Hamas) à payer un lourd tribut : la libération des otages », a déclaré le ministre de la Défense Yoav Gallant.  

« Il n’y a pas d’autres moyens de gagner qu’en continuant notre campagne terrestre », a renchéri le premier ministre Benyamin Nétanyahou, disant que cet objectif allait être atteint en « respectant le droit international ».  

« Trop » de victimes

Sans remettre en cause le droit de son allié « de se défendre » contre le Hamas, les États-Unis ont mis en garde Israël contre un bilan s’alourdissant dans la bande de Gaza.  

« Trop de Palestiniens innocents ont été tués. Franchement, l’étendue de la souffrance ainsi que les images et les vidéos qui nous viennent de Gaza sont dévastatrices », a déclaré la vice-présidente américaine Kamala Harris depuis la COP28 à Dubaï. Et d’ajouter : « Israël doit en faire plus pour protéger les civils innocents ».

« Je pense qu’on est à un moment où les autorités israéliennes vont devoir définir plus précisément leur objectif et l’état final recherché », a aussi dit sur place le président français Emmanuel Macron, estimant que la « sécurité » d’Israël ne pourra être garantie si elle « se fait au prix des vies palestiniennes ».

« La destruction totale du Hamas, qu’est-ce que c’est et est-ce que quelqu’un pense que c’est possible ? Si c’est ça, la guerre durera 10 ans. Et je crois que personne ne sait définir sérieusement cet objectif, donc il faut que cet objectif soit précisé », a prévenu M. Macron avant de dîner samedi soir au Qatar avec cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, l’émir de ce pays au cœur des négociations pour la trêve.  

Cette escale au Qatar a suivi de peu le départ des négociateurs israéliens sur place, Israël invoquant « l’impasse » dans les discussions pour reconduire une trêve de sept jours ayant permis la libération d’une centaine d’otages entre les mains du Hamas et de 240 prisonniers palestiniens détenus en Israël.  

Israël et le Hamas se renvoient la responsabilité de la fin de la trêve.

Le Hamas – considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et Israël notamment – a dit avoir « proposé un échange de prisonniers et de personnes âgées » parmi les otages, ainsi que la remise à Israël des corps de captifs « morts dans les bombardements israéliens ».

Mais Benyamin Nétanyahou a accusé le mouvement islamiste d’avoir « violé l’accord » en « tirant des roquettes » vers Israël pendant la trêve. Et le Hamas avait revendiqué une attaque à Jérusalem fatale à quatre Israéliens.

« Ramener » les otages

En Israël, des centaines de personnes ont manifesté samedi à Tel-Aviv pour demander la libération des 137 personnes encore détenues dans la bande de Gaza. Beaucoup portaient des posters avec les photos des captifs.

Quatre ex-otages se sont adressées par retransmission vidéo à la foule pour raconter la peur, la faim, le manque de sommeil pendant leur captivité. « Nos filles ont vu des choses que des enfants de cet âge, ou de tout âge, ne doivent pas voir », a notamment déclaré Danielle Aloni, 45 ans, relâchée le 24 novembre avec sa fille de cinq ans.

Elena Trupanov, libérée mercredi et qui se trouvait au rassemblement de Tel-Aviv, a plaidé : « nous devons ramener mon Sasha et le reste » des détenus, a-t-elle dit en évoquant son fils, toujours prisonnier.

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des Palestiniens inspectent un bâtiment endommagé par des bombardements israéliens à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 2 décembre.

En soirée, le coordinateur israélien pour les otages Gal Hirsch a rencontré l’envoyé spécial américain sur ce dossier, Roger Carstens, des « efforts pour libérer les otages » sont faits, ont indiqué les autorités israéliennes sans épiloguer.

La guerre entre Israël et le Hamas a été déclenchée par une attaque sanguinaire sans précédent menée par le mouvement islamiste palestinien en Israël le 7 octobre, qui a fait 1200 morts, en majorité des civils, selon les autorités israéliennes.

Selon le gouvernement du Hamas, plus de 15 000 personnes, dont plus de 6150 de moins de 18 ans, ont péri dans les frappes israéliennes depuis le début des hostilités.

PHOTO SAID KHATIB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des camions transportant de l’aide humanitaire entrent dans la bande de Gaza via le passage de Rafah avec l’Égypte le 2 décembre.

« Où aller ? »

Le Croissant-Rouge palestinien a indiqué samedi avoir reçu des premiers « camions d’aide » depuis la fin de la trêve, via le terminal égyptien de Rafah, poste-frontière avec Gaza.

Les besoins sont immenses dans ce territoire soumis à un « siège complet » par Israël où plus de la moitié des logements ont été endommagés ou détruits, et comptant 1,7 million de personnes – sur 2,4 millions d’habitants – déplacées par la guerre, d’après l’ONU.

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un Palestinien porte un enfant blessé lors des bombardements israéliens à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 2 décembre.

La ville de Khan Younès, dans le sud de Gaza, où une partie de ces déplacés ont trouvé refuge, a été massivement visée par les bombardements israéliens samedi. L’hôpital local Nasser comptait samedi « 1000 patients, soit plus de trois fois sa capacité », a souligné sur X le chef de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus, disant « ne pas trouver des mots assez forts pour témoigner de nos inquiétudes face à ce que nous observons ».

Nader Abou Warda, un Palestinien de 26 ans, se demande encore comment il a survécu à des frappes à Khan Younès : « Les Israéliens » nous disaient la ville de Gaza est une zone de guerre ; maintenant, c’est Khan Younès, la zone de guerre, on va où maintenant ? dans la mer ? «