Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas ont libéré dans la nuit de jeudi à vendredi des prisonniers et des otages, à quelques heures de l’expiration de leur trêve dans la bande de Gaza.

Ce qu’il faut savoir

  • La trêve a été prolongée pour un septième jour et doit en principe expirer vendredi ;
  • Le Hamas a libéré un total de dix otages, séparés en deux groupes, dont des ressortissants de l’Uruguay, du Mexique, et de la Russie ;
  • Le Hamas serait « prêt à prolonger la trêve », qui devrait s’achever vendredi à 7 h (0 h heure de l’Est), a affirmé jeudi soir une source proche du mouvement islamiste palestinien ;
  • Trois Israéliens ont été tués et plusieurs blessés dans deux attaques jeudi à Jérusalem-Ouest et en Cisjordanie occupée ;
  • Antony Blinken a demandé au premier ministre israélien de protéger les civils dans le sud de la bande de Gaza si la trêve prend fin.

Six Israéliens ont été libérés dans la nuit par le Hamas, après deux autres en journée, et sont rentrés en Israël, ont annoncé les services du premier ministre Benyamin Nétanyahou. Parmi les personnes libérées se trouvent des binationaux d’Uruguay, du Mexique et de Russie, a annoncé le Qatar.

À Ofakim, dans le Sud israélien, des habitants se sont réunis dans la nuit pour accueillir l’une des leurs, Shani Goren, 29 ans, libérée par le Hamas. « Je l’aime, elle est comme ma sœur […] Personne n’est aussi gentille qu’elle. Même en captivité elle donnait sa nourriture aux autres, c’est ce que nous avons appris des témoignages d’autres otages », a dit sur place Efik Cohen, une amie proche.

Dans la foulée, Israël a libéré trente Palestiniens, tous des femmes et des mineurs détenus dans des prisons israéliennes, en application de l’accord de trêve entre Israël et le Hamas dont l’expiration est prévue vendredi à 7 h locales (0 h heure de l’Est).

Le Hamas s’est dit prêt jeudi à prolonger la trêve dans la bande de Gaza, après un appel du secrétaire d’État américain Antony Blinken à poursuivre la pause des combats entre l’armée israélienne et le mouvement palestinien, à quelques heures de son expiration vendredi.

La trêve, déjà prolongée deux fois depuis son entrée en vigueur le 24 novembre, a mis fin à sept semaines de bombardements israéliens dévastateurs sur le territoire palestinien assiégé, en représailles à l’attaque sanglante lancée le 7 octobre par le Hamas sur le sol israélien.

Cette pause, négociée par le Qatar, les États-Unis et l’Égypte, a permis la libération de dizaines d’otages retenus dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre et de trois fois plus de Palestiniens détenus par Israël, ainsi que l’entrée d’aide humanitaire dans le territoire palestinien.

Le Hamas « est prêt à prolonger la trêve », a affirmé jeudi soir à l’AFP une source proche du mouvement islamiste.  

« Les médiateurs mènent des efforts intenses, qui se poursuivent actuellement, pour (obtenir) un jour de trêve supplémentaire et travailler ensuite à une extension de plusieurs autres jours », a déclaré cette source.

Des zones « sûres »

M. Blinken, après une visite en Israël et en Cisjordanie occupée, avait peu avant appelé à prolonger la trêve « pour une huitième journée et au-delà ».  

« Clairement, nous voulons voir ce processus continuer à avancer », a-t-il déclaré, réclamant aussi la création de zones « sûres » pour les civils dans le sud et le centre de la bande de Gaza en cas de reprise des combats.  

« Des plans de protection humanitaire des civils doivent être mis en place afin de minimiser les morts de Palestiniens innocents », a ajouté le secrétaire d’État.

Signe d’une situation toujours fragile, le Hamas, considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et Israël notamment, a revendiqué une attaque meurtrière jeudi à Jérusalem.  

PHOTO AHMAD GHARABLI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Trois personnes ont été tuées jeudi dans une attaque contre un arrêt de bus à Jérusalem-Ouest menée par deux Palestiniens affiliés au Hamas qui ont été abattus

Trois Israéliens, dont deux femmes, ont été tués dans cette attaque contre un arrêt de bus à Jérusalem-Ouest menée par deux Palestiniens, deux frères qui ont été abattus, selon la police israélienne. La Maison-Blanche a condamné jeudi soir cette « attaque terroriste ».

Mia Shem libérée

La trêve avait été prolongée jeudi pour 24 heures in extremis, après des négociations « très dures » qui se sont poursuivies « toute la nuit, jusque quelques minutes avant sept heures du matin », selon une source au sein du Hamas et une source de sécurité égyptienne.

Parmi les deux premières otages israéliennes libérées jeudi se trouve la Franco-israélienne Mia Shem, enlevée au festival de musique Tribe of Nova, dans le désert du Néguev, où 364 personnes ont été tuées le 7 octobre.

PHOTO FOURNIE PAR LE BUREAU DU PREMIER MINISTRE, VIA REUTERS

La Franco-israélienne Mia Shem avec sa mère et son frère.

Cette jeune femme de 21 ans était apparue le 16 octobre dans une vidéo diffusée par le Hamas, allongée et recevant des soins au bras.

À l’annonce de sa libération, son père David Shem a fait part de sa vive émotion. « Je ne vais pas la quitter pendant un bon bout de temps », a-t-il déclaré à la chaîne de télévision israélienne Channel 12, affirmant que c’était « le plus beau jour » de sa vie.

La trêve a permis jusqu’à présent la libération de 80 otages israéliens, des femmes et des enfants, et de 240 prisonniers palestiniens.  

Une vingtaine d’étrangers ou bi-nationaux, en majorité des Thaïlandais travaillant en Israël, ont également été libérés hors du cadre de l’accord.  

L’armée israélienne a estimé qu’environ 240 personnes avaient été prises en otage et emmenées dans la bande de Gaza lors de l’attaque du 7 octobre.

Cette attaque a fait environ 1200 morts en Israël, en majorité des civils, selon les autorités.

« Ne pas s’arrêter »

En représailles, Israël a promis d’« anéantir » le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007, pilonnant le territoire palestinien et lançant le 27 octobre une offensive terrestre qui a duré jusqu’au début de la trêve.  

D’après le gouvernement du Hamas, plus de 15 000 personnes, dont au moins 6150 enfants et jeunes âgés de moins de 18 ans, ont péri dans les frappes israéliennes.

Adam Adar, la petite-fille de Yaffa Adar, une otage de 85 ans libérée le 24 novembre après 49 jours de captivité, a appelé « les autorités israéliennes et la communauté internationale à ne pas s’arrêter tant que tout le monde ne sera pas rentré chez lui ».

PHOTO KEVIN TRUBLET, AGENCE FRANCE-PRESSE

Représentation par âge et sexe de 224 otages identifiés par l’AFP, selon qu’ils sont toujours en détention, libérés ou morts.

Adam reste sans nouvelles de son cousin Tamir. « Nous ne savons pas s’il a été blessé, s’il reçoit des soins médicaux », a-t-elle ajouté dans un entretien avec l’AFP, regrettant que « personne ne parle d’un accord pour ramener les hommes » otages à Gaza.

La mer pour se laver

L’accord de trêve a permis d’accélérer l’arrivée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, où de longs convois de camions sont encore entrés jeudi depuis l’Égypte.

PHOTO MOHAMED ABD EL GHANY, REUTERS

Des camions attendent près de la frontière à Rafah, entre l’Égypte et la bande de Gaza.

Les besoins sont immenses dans le territoire déjà soumis à un blocus israélien depuis 2007 et placé depuis le 9 octobre en état de siège total par Israël.

Selon l’ONU, 1,7 million de ses 2,4 millions d’habitants ont été déplacés par la guerre, et plus de la moitié des logements endommagés ou détruits. Plusieurs centaines de milliers de civils ont fui le nord du petit territoire, dévasté par les combats, pour chercher refuge dans le sud.

Des milliers d’entre eux ont profité de la trêve pour rentrer chez eux dans le nord, ignorant l’interdiction de l’armée israélienne qui y a pris le contrôle de plusieurs secteurs.

PHOTO MAHMUD HAMS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des gens marchent dans une rue du quartier de Khezaa, à la périphérie de la ville de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.

Pour les habitants de la bande de Gaza, une étroite langue de terre qui longe la Méditerranée, la trêve est aussi l’occasion de retrouver le bord de mer, pour se baigner, se laver, faire la lessive ou pêcher.

« Peut-être que la trêve ne sera pas prolongée », s’inquiète Samia, une jeune femme réfugiée avec son mari et ses cinq enfants à Deir al-Balah, dans le centre du territoire.

Là, sur la plage, elle a rempli son seau d’eau salée. « On trouve à peine de l’eau pour boire, donc j’ai déjà lavé mes enfants dans la mer et maintenant je fais la lessive », raconte-t-elle à l’AFP.