L’horreur et la terreur, encore. Une frappe sur un hôpital de Gaza en soirée mardi a fait des centaines de victimes qui « se trouvent sous les décombres », a déclaré le Hamas, qui accuse Israël d’être à l’origine de l’explosion. Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou dit au contraire avoir des preuves qu’il s’agit plutôt d’un tir de roquette raté de l’organisation palestinienne Djihad islamique.

Le nombre de 500 morts ou blessés a été avancé par les autorités de Gaza, sans qu’un bilan précis puisse être établi étant donné le chaos en cours.

Les photos sont à glacer le sang. Partout dans l’hôpital Al-Ahli (un hôpital épiscopal anglican), des civils baignent dans leur sang au sol. Des soignants sont vus s’affairant auprès de blessés ou tentant d’en réanimer. Sur les clichés, des enfants blessés, aux côtés d’adultes dont on ne sait s’ils sont morts ou vivants.

Une vidéo provenant de l’hôpital, dont l’Associated Press se dit en mesure de confirmer l’authenticité, montre le terrain de l’établissement jonché de corps déchiquetés par l’explosion. Plusieurs cadavres d’enfants sont aperçus sur les images, aux côtés de sacs à dos d’écoliers.

Plusieurs blessés ont été envoyés dans un autre hôpital de Gaza, lui-même à peine fonctionnel après des jours de siège israélien.

Outre des patients et les soignants, des centaines de familles palestiniennes se sont réfugiées ces derniers jours dans les hôpitaux de Gaza, s’y croyant, à tort, en sécurité.

« Que le monde entier le sache : les terroristes barbares à Gaza sont ceux qui ont attaqué l’hôpital à Gaza et pas l’armée israélienne », a réagi le premier ministre d’Israël, Benyamin Nétanyahou, dans un communiqué émanant de son bureau. « Ceux qui ont brutalement tué nos enfants tuent leurs propres enfants. »

« Nous allons dans les prochaines heures fournir les preuves de nos affirmations », a déclaré dans la nuit de mardi à mercredi Daniel Hagari, porte-parole de l’armée israélienne.

PHOTO REUTERS

Des personnes blessées lors de la frappe contre l’hôpital

Manifestations spontanées dans plusieurs pays

À Gaza, en Cisjordanie, mais aussi en Turquie, au Liban, en Tunisie, en Iran (devant les ambassades de France et du Royaume-Uni à Téhéran) et en Libye, la frappe contre l’hôpital a amené des milliers de manifestants à prendre la rue d’assaut.

« Les Français et les Américains sont des alliés des sionistes », ont scandé les manifestants devant l’ambassade de France à Tunis.

La colère ne s’est pas manifestée qu’à l’égard d’Israël et de ses alliés occidentaux. En Cisjordanie, la violence a éclaté entre des manifestants réclamant le départ de Mahmoud Abbas (président de l’Autorité palestinienne à la tête de ce territoire occupé) et les forces de sécurité y ont usé de gaz lacrymogène. À 88 ans, M. Abbas brille par son absence et son quasi-silence depuis la relance de la guerre.

PHOTO JAAFAR ASHTIYEH, AGENCE FRANCE-PRESSE

Manifestation à Ramallah, en Cisjordanie

En Cisjordanie, trois jours de deuil national ont été décrétés dans la foulée de l’attaque contre l’hôpital de Gaza.

Au Liban, le Hezbollah a appelé à observer une « journée de colère », évoquant « un massacre » et un « crime brutal » dont il accuse Israël.

En début de nuit, la Jordanie a annoncé annuler le sommet auquel le président américain Joe Biden, qui s’est mis en route pour Israël, devait ensuite participer avec le roi Abdallah II, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et Mahmoud Abbas.

Les Palestiniens de Gaza sont toujours sous le coup d’un ordre d’évacuation décrété par Israël qui a exigé leur départ vers le sud. Quelque 500 000 d’entre eux auraient pris la route.

Le coupable un jour identifié ?

Le Canadien Michael Lynk, qui a été pendant six ans, jusqu’en 2022, rapporteur spécial des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, plaide pour que cette tragédie soit l’objet « d’une enquête internationale. Cette attaque délibérée ou consécutive à une négligence est une violation absolue du droit humanitaire international et pourrait constituer un crime de guerre », a-t-il affirmé à La Presse.

« La communauté internationale, menée par le Conseil de sécurité des Nations unies, devrait demander un cessez-le-feu immédiat et la libération de tous les otages civils israéliens », de même que l’établissement d’un couloir d’aide humanitaire, a-t-il ajouté.

De toutes parts, des dénonciations

Justin Trudeau a déclaré que « non, ce n’est pas légal » de bombarder un hôpital.

« Les nouvelles [en provenance] de Gaza aujourd’hui sont dévastatrices. C’est horrible. C’est inacceptable », a ajouté le premier ministre du Canada.

Par voie de communiqué, Joe Biden s’est dit « indigné et profondément attristé par l’explosion » de l’hôpital et par « les terribles pertes qui en ont résulté ».

Le président américain assure s’être immédiatement entretenu avec le premier ministre israélien et avec le roi Abdallah II de Jordanie.

« Rien ne peut justifier de prendre des civils pour cibles », a déclaré le président français Emmanuel Macron, ajoutant que « toute la lumière devra être faite » sur l’attaque.

PHOTO REUTERS

Des enfants à bord d’une ambulance quittant l’hôpital Al-Ahli

Qualifiant la frappe contre l’hôpital de « totalement inacceptable », le chef de l’ONU, António Guterres, a présenté ses sincères condoléances aux familles des victimes et a rappelé que « les hôpitaux, les cliniques, le personnel médical et les locaux des Nations unies sont explicitement protégés par le droit international ».

« Les mots me manquent », a déclaré pour sa part Volker Türk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme. « Cette nuit, des centaines de personnes ont été tuées de manière horrible. […] Une fois de plus, les plus vulnérables [sont touchés]. C’est totalement inacceptable. »

L’Organisation mondiale de la santé a aussi condamné l’attaque. « Nous appelons à la protection immédiate des civils et des installations de santé, à l’annulation des ordres d’évacuation [vers le sud de la bande de Gaza] », a déclaré son chef, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Avec l’Agence France-Presse, l’Associated Press, Reuters et Mélanie Marquis, La Presse