(Beita) Plusieurs milliers d’Israéliens ont manifesté lundi sous la protection de l’armée dans le nord de la Cisjordanie pour exiger une expansion de la colonisation juive dans ce territoire palestinien occupé.

Dans la foule munie de drapeaux bleu et blanc frappés de l’étoile de David figurent plusieurs ministres d’extrême droite, dont celui des Finances, Bezalel Smotrich, et son collègue de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir.

« La réponse au terrorisme est de construire » des colonies, déclare M. Ben Gvir aux manifestants alors que le conflit israélo-palestinien est happé dans une nouvelle spirale de violences meurtrières depuis le début de l’année.

Des centaines de colonies juives de tailles très variées ont vu le jour en Cisjordanie depuis la conquête de ce territoire par Israël en 1967.

L’ONU juge toute l’entreprise de colonisation israélienne illégale au regard du droit international, mais le gouvernement israélien fait la distinction entre les colonies ayant fait l’objet d’une planification étatique, qu’il juge légales, et les avant-postes établis sans son aval, et donc illégales au regard de la loi israélienne.

En février, le gouvernement avait annoncé qu’il allait légaliser neuf de ces colonies en Cisjordanie en réponse à des attentats palestiniens meurtriers à Jérusalem-Est.

Pas assez au yeux de certains colons et de l’extrême droite israélienne, qui fait pression au sein même de l’exécutif pour que le gouvernement du premier ministre Benyamin Nétanyahou légalise beaucoup plus d’avant-postes.  

Pour eux, les Palestiniens qui vivaient en Cisjordanie depuis des siècles jusqu’à la conquête de 1967 n’ont aucun droit sur cette terre de l’ancien royaume d’Israël, et promise par Dieu à son peuple, selon la Bible.  

Dans la foule en marche, sous les regards de soldats stationnés dans des oliveraies bordant la route, on trouve beaucoup de familles et de nombreux hommes armés.

PHOTO NIR ELIAS, REUTERS

De nombreuses familles ont pris part à la manifestation.

L’objectif est le sommet d’une colline rocailleuse, lieu d’implantation de la colonie d’Eviatar, où vivait une cinquantaine de familles jusqu’à leur évacuation en 2021 à la suite d’un compromis avec le gouvernement précédent.

Châteaux gonflables

« Si nous voulons développer un nouvelle colonie, alors nous marcherons » jusqu’à Eviatar, déclare à l’AFP Rivka Katzir, 74 ans et habitante de la colonie d’Elkana, pour qui « s’installer ici » est « la seule solution » au conflit israélo-palestinien.

« Avec l’aide de Dieu, nous légaliserons des dizaines d’autres » avant-postes, promet M. Ben-Gvir, lui-même habitant d’une colonie.

La création d’Eviatar avait provoqué une vague de manifestations de Palestiniens vivant dans les alentours, notamment dans le village tout proche de Beita, où plusieurs Palestiniens ont été tués lors d’affrontements avec l’armée israélienne.

Lundi, des villageois ont agité des drapeaux palestiniens et lancé des pierres sur les soldats, qui ont répliqué en tirant du gaz lacrymogène en direction des manifestants.  

Selon le Croissant-Rouge palestinien, 22 personnes ont été blessées par des balles caoutchoutées et près de 200 personnes ont été traitées pour avoir inhalé du gaz lacrymogène.  

Au même moment, sur la colline, des centaines d’hommes récitent des prières juives pendant que des enfants jouent sur des châteaux gonflables. Glaces, barbes-à-papa et ballons sont proposés aux familles qui pique-niquent.

Pour Rina Cohen, venue de Jérusalem avec son mari, l’évènement est « très réussi ».

« Nous voulons soutenir les gens parce que […] leurs maisons ont été détruites », dit la jeune femme de 22 ans à l’AFP, tandis que près d’elle, un groupe de jeunes soulève une tôle de toiture et la remet en place sur l’une des maisons préfabriquées abandonnées au moment de l’évacuation.

Quelque 490 000 Israéliens résident dans des colonies en Cisjordanie, où vivent environ 2,9 millions de Palestiniens.

Depuis le début de l’année, le conflit israélo-palestinien a coûté la vie à au moins 94 Palestiniens, 19 Israéliens, une Ukrainienne et un Italien, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de sources officielles israéliennes et palestiniennes.

Ces chiffres incluent, côté palestinien, des combattants et des civils, dont des mineurs, et côté israélien, en majorité des civils, dont des mineurs, et trois membres de la minorité arabe.

« Le terrorisme ne nous effraiera pas », assure Ezri Tobe, 52 ans, habitant de la colonie de Yitzhar.  

« Ce qui nous porte, ce sont des milliers d’années d’histoire », dit-il, et cette manifestation est pour dire au gouvernement « que nous sommes ici pour rester »