(Paris) Emmanuel Macron a détaillé, dans The Economist, son plan pour éviter une mort « brutale » de l’Europe, assumant au passage sa position controversée sur la possibilité d’envoyer des troupes au sol en Ukraine, si Moscou venait à « percer les lignes de front ».

« Si les Russes devaient aller percer les lignes de front, s’il y avait une demande ukrainienne – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – on devrait légitimement se poser la question », a dit le président français dans un long entretien publié jeudi par l’hebdomadaire britannique.

Le chef de l’État français a créé la controverse fin février en affirmant que l’envoi de troupes occidentales sur le sol ukrainien ne devait pas « être exclu » à l’avenir. La plupart des pays européens, ainsi que les États-Unis, s’étaient nettement démarqués, même si certains ont depuis fait un pas en sa direction.

Dans The Economist, Emmanuel Macron affirme que la Russie « est rentrée dans une logique de guerre totale ». Et il faut l’empêcher de gagner en Ukraine, faute de quoi « nous n’aurons plus de sécurité en Europe ».

Interrogé sur la chaîne LCI, le ministre des Affaires étrangères de Hongrie, Peter Szijjártó, a jugé la déclaration du président Macron « menaçante ».

« S’il y a des troupes (occidentales) sur le territoire ukrainien, la guerre va gagner en ampleur », a-t-il dit. « Ce n’est pas notre guerre, une escalade du conflit serait très dangereuse », a-t-il poursuivi, en répétant la position hongroise : « Il faut un cessez-le-feu et les négociations de paix doivent commencer ».

Dans The Economist, le président Macron est également revenu sur sa mise en garde d’une Europe qui « peut mourir ».

Cette « mort » peut être « beaucoup plus brutale qu’on ne l’imagine », insiste-t-il jeudi. Selon lui, « un sursaut est possible », mais doit être « beaucoup plus profond » face à un « triple risque existentiel pour notre Europe » : « militaire et de sécurité », « économique » et démocratique.

Sur la défense, les Européens doivent s’asseoir « autour de la table pour bâtir un cadre cohérent », plaide Emmanuel Macron. « L’OTAN apporte une de ces réponses et il ne s’agit pas de balayer l’OTAN. Mais ce cadre est beaucoup plus large », ajoute-t-il.

« Braqueurs »

Ce débat doit dépasser l’Union européenne, avance encore le président français, qui veut « arrimer la discussion dans le cadre de la Communauté politique européenne », ce nouveau format qu’il a inspiré pour inclure notamment Londres après le Brexit. « Ce serait une erreur d’exclure des pays qui ne sont pas dans l’UE », comme la Norvège, le Royaume-Uni ou ceux des Balkans.

La réflexion doit aussi inclure l’arme nucléaire, dont la France et le Royaume-Uni sont dotés en Europe, réitère-t-il. Il propose que les partenaires européens « prennent en compte » cette « capacité » française, « sans pour autant la mutualiser ».

Sur le plan économique, à la veille d’une visite d’État en France du président chinois Xi Jinping, lundi et mardi, Emmanuel Macron appelle l’Europe à défendre ses « intérêts stratégiques » et « les enjeux de sécurité nationale » au nom de la « réciprocité » dans ses relations commerciales avec Pékin. « Il y a de nombreux secteurs pour lesquels la Chine exige que les producteurs soient chinois, parce qu’ils sont trop sensibles. Eh bien nous Européens, nous devons pouvoir faire la même chose. »

S’agissant de la « vulnérabilité démocratique », le chef de l’État, qui a promis de s’impliquer dans la campagne des européennes, lance enfin un avertissement aux électeurs : « La meilleure façon de construire ensemble, c’est d’avoir le moins de nationalistes possible ».

« Je dis aux Européens : réveillez-vous ! », « tous les nationalistes européens sont des brexiters cachés », ajoute-t-il, visant particulièrement l’extrême droite française, donnée par les sondages en tête des intentions de vote.

Après avoir prôné la sortie de l’Europe, le Rassemblement national tire maintenant « les dividendes de l’Europe en voulant la détruire sans rien dire », accuse le président Macron. « C’est comme si on était en train de dire “ce n’est pas grave de confier la banque à des braqueurs” », ajoute-t-il.