La branche du groupe État islamique qui, selon les autorités américaines, est à l’origine de l’attentat meurtrier perpétré vendredi à Moscou est l’un des derniers adversaires importants auxquels le gouvernement taliban fait toujours face en Afghanistan. Elle y a mené des attaques répétées, notamment contre l’ambassade de Russie, au cours des dernières années.

Cette branche – connue sous le nom d’État islamique au Khorassan, ou EI-K – se décrit comme le grand rival des talibans, qui, selon elle, n’ont pas mis en œuvre une véritable charia depuis qu’ils ont pris le pouvoir en 2021. Elle cherche à saper les relations des talibans avec leurs alliés régionaux et dépeint un gouvernement incapable d’assurer la sécurité dans le pays, selon les experts.

En 2022, l’EI-K a mené des attaques contre les ambassades russe et pakistanaise à Kaboul, en Afghanistan, et contre un hôtel où résidaient de nombreux ressortissants chinois. Plus récemment, le groupe a également menacé d’attaquer les ambassades de Chine, de l’Inde et de l’Iran en Afghanistan et a diffusé un flot de propagande antirusse.

Il a également frappé hors de l’Afghanistan. En janvier, l’EI-K a perpétré deux attentats à la bombe en Iran qui ont fait des dizaines de morts et des centaines de blessés lors d’une cérémonie à la mémoire de l’ancien général en chef iranien, Qassem Soleimani, tué par une attaque de drone américain quatre ans auparavant.

Ces derniers mois, les relations des talibans avec la Russie, la Chine et l’Iran se sont réchauffées. Si aucun pays n’a officiellement reconnu le gouvernement taliban, la Russie a néanmoins admis au début du mois un attaché militaire des talibans à Moscou, tandis que la Chine a officiellement accrédité un ambassadeur taliban à Pékin. Ces deux initiatives sont considérées comme des marques de confiance mutuelle avec les autorités talibanes.

L’EI-K a à la fois dénoncé le Kremlin pour ses interventions en Syrie et condamné les talibans pour leur collaboration avec les autorités russes des décennies après l’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique.

Sa propagande décrit les talibans comme « trahissant l’histoire de l’Afghanistan et trahissant leur religion en se liant d’amitié avec leurs anciens ennemis », explique Riccardo Valle, directeur de recherche du Khorasan Diary (« Journal du Khorassan »), plateforme de recherche établie à Islamabad.

« Violation flagrante »

Depuis plus de deux ans qu’elles ont pris le pouvoir en Afghanistan, les forces de sécurité talibanes mènent une campagne acharnée pour tenter d’éliminer l’EI-K et ont réussi à empêcher le groupe de s’emparer de territoires à l’intérieur de l’Afghanistan. L’année dernière, les forces de sécurité talibanes ont tué au moins huit dirigeants de l’EI-K, selon des responsables américains, et ont repoussé de nombreux autres combattants au Pakistan voisin.

Pourtant, l’EI-K se montre résistant et reste actif en Afghanistan, au Pakistan et en Iran. En Afghanistan, il a pris pour cible les forces de sécurité talibanes dans des attentats éclairs et, alors qu’il subissait une pression croissante de la part des opérations antiterroristes des talibans, il a organisé des attentats qui ont fait la une des journaux dans tout le pays.

La veille de l’attentat contre la salle de concert de Moscou, le groupe a commis un attentat-suicide à la bombe à Kandahar, berceau du mouvement taliban, envoyant ainsi un message fort : même dans leur bastion, les soldats talibans ne sont pas en sécurité.

Après l’attentat de Moscou, Abdul Qahar Balkhi, porte-parole du ministère des Affaires étrangères de l’Afghanistan, a déclaré dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux que le pays « condamne avec la plus grande fermeté le récent attentat terroriste de Moscou » et « le considère comme une violation flagrante de toutes les normes humaines ».

« Les pays de la région doivent adopter une position coordonnée, claire et résolue contre de tels incidents visant à déstabiliser la région », a-t-il ajouté.

Cet article a été initialement publié dans le New York Times.

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