(Paris) Pressé de tourner la page de la loi sur l’immigration qui a fracturé sa majorité, le président français Emmanuel Macron promet un « nouveau cap » pour 2024, dans l’espoir de donner du souffle à son difficile deuxième quinquennat.

M. Macron, déjà fragilisé cette année par les manifestations parfois violentes ayant accompagné sa réforme des retraites, a tenté de reprendre la main au lendemain de l’adoption dans la douleur d’une loi sur l’immigration, nettement durcie par la droite au Parlement et adoubée in extremis par l’extrême droite, un épisode vécu comme un traumatisme par une partie de ses troupes.

Invité mercredi soir de la chaîne télévisée France 5 pour plus de deux heures d’émission en direct de l’Élysée, il a « assumé » un projet de loi « courageux » qualifié de « bouclier » contre l’immigration illégale, tout en se défaussant sur le Conseil constitutionnel – la plus haute juridiction du pays – pour examiner les mesures les plus controversées.

Le président a catégoriquement nié que la loi, considérablement durcie par rapport au projet initial, s’inspire d’idées de l’extrême droite, notamment sur les restrictions d’accès à des prestations sociales pour certains étrangers.

Nombreux sont ceux qui voient pourtant dans le texte une consécration de certaines idées de l’extrême droite, avec au premier rang le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, qui se rengorge d’une « victoire idéologique ».

Le texte a fracturé le camp présidentiel (59 députés ont voté contre ou se sont abstenus mardi soir) et a poussé à la démission le ministre français de la Santé Aurélien Rousseau.

La loi a aussi provoqué une levée de boucliers au sein des ONG, et dans des départements dirigés par la gauche. Une trentaine de ces territoires ont annoncé qu’ils n’appliqueraient pas certaines dispositions du texte.

Jugeant « légitimes » les désaccords au sein de sa majorité, le président Macron est cependant apparu pressé de tourner la page et de passer à autre chose.

Objectif : éviter que le malaise se mue en fronde, comme sous la présidence de François Hollande, son prédécesseur socialiste qui avait dû faire face dès le début de son mandat à la contestation de députés de son camp.

Mais au-delà, « il faut que Macron retrouve du souffle et de l’élan », constate un allié à l’Assemblée nationale.

« Dans son coin »

La capacité du président français à continuer à réformer est régulièrement questionnée, en l’absence de majorité absolue depuis 2022 et alors que la Constitution lui interdit de briguer un troisième mandat, ce qui risque de grignoter son autorité à l’approche de 2027.

« J’ai encore trois ans et demi devant moi », « je ne compte pas m’arrêter ! », a-t-il assuré mercredi soir. « Je veux que l’année prochaine, on aborde de nouveaux grands défis et j’aurai à l’ouvrir avec un nouveau cap ».

Il s’était déjà engagé à redoubler d’efforts pour tenir son objectif du plein emploi malgré une courbe du chômage qui toussote.

Mercredi, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a mis l’accent sur d’autres réformes comme celle sur la « fin de vie » ou la « constitutionnalisation de la liberté d’avorter ».

Pour Brice Teinturier, de l’institut de sondages Ipsos France, cette succession de réformes est justement ce qui donne l’impression que le chef de l’État « alterne des décisions tantôt à droite, tantôt à gauche », mais sans « vision globale ».

Le gouvernement semble « agir au jour le jour », estime le politologue, affirmant qu’il sera « très difficile » pour l’exécutif de se relancer après ce moment de « bascule très important ».

Le président de la République a aussi annoncé pour janvier un « rendez-vous avec la Nation », en « partie » lié à l’école, « la mère des batailles ». « Il mijote ça dans son coin », glisse un influent conseiller ministériel.

« Les Français connaissent maintenant un peu ses “trucs” », soit sa communication directe par télévision interposée, parfois mâtinée d’annonces, et ils ont « compris que ça avait un effet à court terme seulement », relève Emilie Zapalski, spécialiste de la communication politique.

Comme souvent par gros temps, certains cadres du camp présidentiel réclament un remaniement ministériel d’ampleur pour janvier.

Emmanuel Macron « n’a toujours pas beaucoup de monde sous la main » pour bouleverser ses équipes, et il faudrait en outre « que le remaniement ait un vrai sens politique », avec un tournant à droite ou à gauche, note Emilie Zapalski.