(Prague) La justice russe a annoncé vendredi avoir prolongé jusqu’au 5 février la détention de la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva, arrêtée en octobre et accusée de ne pas s’être enregistrée en tant qu’« agent de l’étranger ».

« Le tribunal de Kazan a prolongé l’arrestation de la journaliste de Radio Liberty Alsu Kurmasheva jusqu’au 5 février 2024 », avait écrit sur Telegram son employeur, le média Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), basé à Prague.

La cour a ensuite confirmé cette information à l’AFP.

Elle est l’une des deux reporters américains à avoir été arrêtés en Russie cette année, avec Evan Gershkovich, du Wall Street Journal.

Le statut d’« agent de l’étranger », qui rappelle le qualificatif soviétique d’« ennemi du peuple », impose aux personnes ou entités visées des contraintes administratives et un contrôle financier très lourd.  

Alsu Kurmasheva, dont le média Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) est financé par le Congrès américain, a été arrêtée en octobre à Kazan, la capitale de la république du Tatarstan.  

La journaliste, qui réside d’ordinaire à Prague avec son mari et ses deux filles adolescentes, s’était rendue en Russie pour une « urgence familiale » le 20 mai, mais n’avait pas pu repartir, ses passeports américain et russe lui ayant été confisqués.

Un tribunal russe l’avait maintenu en détention fin octobre, et rejeté son appel. Alsu Kurmasheva risque jusqu’à cinq ans de prison.

Jeudi, le président par intérim de RFE/RL, Jeffrey Gedmin, a dénoncé un « emprisonnement injuste et à motif politique », demandant à nouveau sa libération.

« Prisonnière politique »

Des groupes de défense des droits estiment que sa détention constitue un nouvel exemple de la campagne russe contre les médias indépendants, qui s’est intensifiée depuis l’offensive russe contre l’Ukraine en février 2022.  

Certains des critiques les plus respectés du président russe, Vladimir Poutine, figurent parmi ces « agents de l’étranger », comme le prix Nobel de la Paix et rédacteur en chef du journal indépendant Novaïa Gazeta, Dmitri Mouratov.

Alsu Kurmasheva, qui a rejoint RFE/RL en 1998, travaille pour son service en langues tatare et bachkire, couvrant ces minorités ethniques de Russie peuplant en particulier le Tatarstan et le Bachkortostan, des régions de la Volga et de l’Oural.

RFE/RL a été fondé pendant la Guerre froide pour contrer la propagande soviétique dans le bloc de l’Est. Il diffuse toujours des contenus en une multitude de langues dans des pays dirigés par des régimes autoritaires.

Pour son mari, Pavel Butorin, la journaliste est une « prisonnière politique ».

« Je pense qu’Alsu a été prise en otage, car elle est une citoyenne américaine et, car elle est journaliste de Radio Free Europe », a-t-il dit fin novembre à l’AFP.

L’autre journaliste américain arrêté, Evan Gershkovich, interpellé le 29 mars en plein reportage, vient de voir son incarcération prolongée jusqu’au 30 janvier.  

Âgé de 32 ans, ce reporter respecté, qui a aussi travaillé pour l’Agence France-Presse à Moscou, est accusé d’espionnage, un crime passible de 20 ans de prison. Il rejette ces accusations, tout comme Washington, son journal, ses proches et sa famille.  

La Russie n’a jamais étayé ses accusations ni apporté publiquement d’éléments de preuve, et l’ensemble de la procédure a été classée secrète. Aucune date pour son procès n’a été avancée pour l’heure.

Moscou et Washington ont par le passé procédé à des échanges de prisonniers.