(Londres) Partie à la retraite cet été, Debs Helps pourrait profiter d’un repos mérité après une carrière d’infirmière bien remplie. Mais elle a renfilé sa blouse, comme des milliers d’autres retraités du service public de santé britannique, le NHS, qui manque cruellement de soignants.

Une dizaine d’heures par semaine, Debs Helps, 55 ans, reprend volontairement du service dans l’ancien cabinet médical de Plymouth où elle exerçait, et poursuit également des activités de formation au sein du NHS.

« Je ne me sentais pas tout à fait prête à arrêter parce que j’aime mon travail (au cabinet) et faire de la formation », explique-t-elle à l’AFP.

Après des années d’austérité et la pandémie de COVID-19, le système public de santé, adoré des Britanniques, est à bout de souffle, avec des listes d’attentes impressionnantes pour se faire soigner et un manque cruel d’infirmières et de médecins pour gérer l’afflux de patients.  

À cela s’ajoute la crise du coût de la vie qui a conduit les infirmières à mener une grève historique l’an dernier pour réclamer des hausses de salaires.

Pour remonter la pente, le gouvernement, qui a fait de la résorption des listes d’attentes une de ses priorités, a lancé cet été un vaste plan visant à recruter et conserver des soignants, alors que le NHS déplore actuellement 112 000 postes vacants, un chiffre qui atteindrait 360 000 en 2037 si rien n’est fait.

PHOTO FRANK AUGSTEIN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le gouvernement du premier ministre britannique Rishi Sunak a fait de la résorption des listes d’attente une de ses priorités.

Il compte recruter 300 000 professionnels d’ici 15 ans et tente notamment de convaincre davantage de jeunes retraités de revenir travailler, quelques heures ou jours par mois, afin d’assurer les soins.

Pour ce faire il a récemment assoupli les règles permettant de cumuler pension de retraite et revenus complémentaires.  

Selon les chiffres du NHS, 4600 des 10 300 infirmières parties à la retraite entre juillet 2021 et juin 2022 sont revenues travailler dans les douze mois suivant leur départ, en hausse de 4 % sur un an.

Sur l’ensemble des soignants concernés, 37 % d’entre eux ont fait de même.

« Ce dispositif consiste vraiment à demander à nos soignants qui partent en retraite […] comment ils voudraient travailler, ce qu’ils voudraient faire et voir comment nous pouvons concilier cela avec les besoins du NHS », explique à l’AFP Navina Evans, responsable du personnel et de la formation au sein de NHS England.

Flexibilité

Ainsi, Debs Helps travaille sur la base d’un contrat totalement flexible, sans aucun engagement de long terme.  

« Je travaille quand je veux. Par exemple je peux travailler les jeudis […] et je peux prendre trois semaines de congés pour Noël », raconte-t-elle.

« La pénurie d’infirmières est telle, et en particulier d’infirmières qualifiées, que (le cabinet) est très content que je puisse travailler avec cette grande flexibilité », ajoute-t-elle.  

Dans le cadre de son plan de long terme, le NHS espère in fine encourager jusqu’à 130 000 employés à travailler plus longtemps dans les 15 prochaines années.

Depuis le 1er octobre, les soignants peuvent avoir plus de flexibilité, partir en « retraite partielle », tandis qu’un programme pilote permet à des médecins retraités de mener des consultations à distance, en s’inscrivant sur une plateforme dédiée.

« Nous avons regardé toutes les options potentielles pour nous assurer que nous aurons les bons effectifs pour satisfaire les besoins de la population maintenant, dans 5 ans, 10 ans et 50 ans », explique Navina Evans.

Le principal syndicat infirmier, le Royal College of Nursing a salué ces mesures, tout en rappelant le besoin criant de financer les recrutements dans les hôpitaux.  

Car le système de santé public, qui coûte 190 milliards de livres par an (221 milliards d’euros) et emploie 1,2 million de personnes rien qu’en Angleterre, est depuis longtemps sous-financé.  

Et selon les experts, la crise a été exacerbée par la pandémie de COVID-19 et le Brexit, de nombreux soignants venant auparavant de l’UE.

« Le moyen le plus efficace d’attirer des gens dans la profession est de les payer correctement et de démontrer qu’il y a des opportunités de progression dans leur carrière », a ainsi estimé la secrétaire générale du RCN Pat Cullen.

Debs Helps prévoit elle de continuer à travailler plusieurs années, aussi pour « transmettre son expérience » aux jeunes générations.