(Moscou) Le ministère russe de la Justice a indiqué vendredi avoir demandé l’interdiction pour « extrémisme » du « mouvement international LGBT », nouvelle illustration du virage ultraconservateur en Russie qui s’est accéléré depuis l’offensive contre l’Ukraine.

Dans un communiqué, le ministère ne précise pas s’il vise d’une manière générale le mouvement LGBT+ à travers le monde, ou s’il désigne une ou plusieurs organisations existantes. Et il n’a pas répondu dans l’immédiat à une demande de précisions de l’AFP.  

La Cour suprême russe doit étudier dès le 30 novembre cette demande d’interdiction.

Le ministère a dit avoir « déposé une demande administrative auprès de la Cour suprême […] afin de classer comme extrémiste le mouvement de société international LGBT et d’interdire ses activités sur le territoire de la Fédération de Russie ».

Le président russe Vladimir Poutine mène depuis des années une politique qualifiée d’homophobe et transphobe par de nombreux représentants de la communauté LGBT+ et des ONG.

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Des militants LGBT brandissent leur drapeau lors d’un rassemblement pour recueillir des signatures afin d’annuler les résultats du vote sur les amendements à la Constitution sur la place Pouchkine à Moscou, en Russie, en juillet 2020.

Depuis l’offensive contre l’Ukraine lancée en février 2022, les autorités russes ont encore multiplié les mesures conservatrices, notamment contre les LGBT+, disant vouloir éliminer des comportements jugés déviants et se posant en rempart moral face l’Occident jugé décadent.

Pour plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, Vladimir Poutine et son régime mènent une politique homophobe et transphobe. Le Kremlin affirme lui que les individus sont libres de leur orientation sexuelle, mais que la Russie doit protéger les enfants face à une propagande occidentale qui, selon elle, nie l’existence d’un sexe biologique.

L’annonce du ministère de la Justice a été dénoncée par des organisations spécialisées.     

« Le pouvoir russe oublie une nouvelle fois que la communauté LGBT+, ce sont des gens, des citoyens de ce pays comme les autres. Et maintenant ils ne veulent pas seulement nous faire disparaître de l’espace public, mais nous interdire en tant que groupe social », a réagi auprès de l’AFP Dilia Gafourova, la directrice du fonds Sphere, une association de défense des droits LGBT+ en Russie.

« C’est une mesure typique des régimes répressifs et non démocratiques : persécuter les plus vulnérables », a-t-elle poursuivi, promettant de « se battre ».

Amnistie internationale a dénoncé dans un communiqué une décision « honteuse » et « profondément cynique ».

« Vivre en silence et dans la crainte d’être humilié et emprisonné, tel est le prix que l’État veut imposer à d’innombrables personnes LGBTI en Russie », a déploré Marie Struthers, directrice régionale de l’ONG pour l’Europe de l’Est.

Interdiction de « propagande »

En juillet, les députés russes avaient adopté une loi visant les personnes transgenres, leur interdisant leurs transitions, notamment les opérations chirurgicales et les thérapies hormonales, et bannissant tout droit d’adopter des enfants.

Depuis 2013, une loi interdit déjà en Russie la « propagande » à l’adresse de mineurs de « relations sexuelles non traditionnelles », un texte dénoncé par des ONG comme un instrument de répression des LGBT+.

Fin 2022, cette loi a été considérablement élargie. Elle bannit désormais la « propagande » LGBT+ auprès de tous les publics, dans les médias, sur l’internet, dans les livres et les films.

Pour ce motif, un ballet au Bolchoï sur la vie du danseur soviétique Rudolf Noureev, homosexuel, a été retiré du répertoire au printemps dernier.

Depuis 2020, la Constitution russe précise par ailleurs que le mariage est une union entre un homme et une femme, interdisant de fait les unions de personnes de même sexe.

La principale ONG LGBT+ de Russie, LGBT-Set (« Réseau LGBT », en russe), a pour sa part été classée fin 2021 « agent de l’étranger », une étiquette infamante qui complique son fonctionnement et l’expose à des amendes, voire une interdiction.  

L’ONG vient depuis 2006 en aide aux minorités sexuelles aux quatre coins de la Russie, notamment dans la république de Tchétchénie, où les autorités leur sont particulièrement hostiles.

Le journal d’opposition russe Novaïa Gazeta et plusieurs ONG avaient révélé en 2017 que des gais étaient arrêtés et parfois torturés et assassinés par la police en Tchétchénie.