(Londres) Au lendemain d’un remaniement dont il espère un nouvel élan pour tenter de conjurer la défaite annoncée aux prochaines élections, le premier ministre britannique Rishi Sunak a essuyé mardi une violente charge de la part de son ex-ministre de l’Intérieur.

Au grand dam de l’aile la plus radicale du parti conservateur, Rishi Sunak a opté pour un gouvernement recentré, et a nommé l’ex-premier ministre David Cameron aux Affaires étrangères.

Mais à peine dissipé l’effet de surprise du retour dans l’arène de celui qui a déclenché le référendum sur la sortie de l’UE à laquelle il était pourtant opposé, Rishi Sunak a fait face à un violent retour de bâton.

Coutumière des déclarations polémiques, Suella Braverman a accusé dans une lettre acerbe le chef du gouvernement de trahison, l’appelant à « changer de cap urgemment ».

conduite par téléphone, la très à droite ex-patronne du « Home Office » accuse Rishi Sunak d’avoir renié les promesses qu’il lui avait faites lorsqu’elle a accepté de le soutenir et d’être ministre de l’Intérieur.

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Le premier ministre britannique, Rishi Sunak

Parmi ces promesses figurent notamment réduire l’immigration légale, empêcher la Convention européenne des droits de l’Homme d’entraver de nouvelles législations pour lutter contre les traversées illégales de la Manche, comme le projet, sur lequel la Cour suprême doit statuer mercredi, d’expulser vers le Rwanda les migrants arrivés illégalement sur le sol britannique.

« Trahison »

« Vous avez manifestement et de manière répétée échoué à tenir vos engagements sur chacune de ces mesures », qui sont « ce que nous avons promis aux Britanniques dans notre programme de 2019 » qui a donné lieu à la victoire triomphale de Boris Johnson, « ce pour quoi les gens ont voté lors du référendum sur le Brexit de 2016 », insiste-t-elle.

Le refus de Rishi Sunak de quitter la Cour européenne des droits de l’Homme ou de s’affranchir des lois qui « inhibent notre capacité à expulser ceux qui n’ont aucun droit d’être au Royaume-Uni » n’est « pas simplement une trahison de notre accord, mais aussi une trahison de votre promesse au pays de faire “tout ce qu’il faudra” pour arrêter les bateaux », poursuit-elle.

Elle l’accuse enfin de ne s’être pas élevé contre « l’affichage d’antisémitisme et d’extrémisme vicieux » lors de manifestations de soutien aux Palestiniens depuis les « atrocités terroristes du Hamas » le 7 octobre, qui ont fait 1200 morts en Israël selon les autorités.

La riposte d’Israël dans la bande de Gaza a fait plus de 11 000 morts selon le Hamas.

« Il faut être honnête : votre plan ne fonctionne pas », conclut-elle, « vous avez subi des défaites électorales record, votre redémarrage a échoué et vous manquez de temps », lance Suella Braverman.  

« Vous devez urgemment changer de cap », somme celle qui selon de nombreux observateurs vise la tête du parti après une défaite de Rishi Sunak aux prochaines législatives.

Morosité ambiante

Cette attaque cinglante, qui cristallise le sentiment de défiance d’une bonne partie de l’aile droite du parti conservateur, survient dans une morosité profonde et durable pour les Tories, très largement distancés dans les sondages après 14 ans au pouvoir.

Une enquête publiée mardi par l’institut Savanta donne 18 points d’avance à l’opposition travailliste menée par Keir Starmer, positionnée au centre gauche.

Après les scandales de l’ère Boris Johnson puis la quasi-crise financière provoquée par l’éphémère Liz Truss, Rishi Sunak, ex-banquier d’affaires de 43 ans, a ramené un semblant de stabilité.

Mais le retour dans l’arène de David Cameron, qui a provoqué le Brexit tout en s’y opposant, a incarné l’austérité imposée aux services publics dans les années 2010 et vantait un « âge d’or » des relations avec la Chine tranchant avec les tensions actuelles, est loin de faire l’unanimité chez les conservateurs.

Des éditorialistes de tous bords critiquent en outre le retour de celui qui était devenu à 43 ans le plus jeune premier ministre en deux siècles, mais semble à 57 ans un homme du passé.

Dans l’opinion, la majorité reste plombée par une inflation dépassant 5 %, une économie qui stagne, une grave crise du logement et l’impression d’une dégradation des services publics, notamment dans la santé.