(Près d’Avdiivka) Si le récent assaut russe sur la ville d’Avdiïvka a été « écrasé », les forces ukrainiennes qui la défendent se préparent à une nouvelle « attaque massive » de Moscou sur cette cité industrielle, dans l’est de l’Ukraine.

« Nous devons nous y attendre. Nous savons que les Russes ont rassemblé d’énormes réserves, tant en personnel qu’en matériel militaire », affirme à l’AFP le major Maxim Morozov, commandant d’une unité spéciale de police de la ville.

PHOTO GENYA SAVILOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le major Maxim Morozov

Le 10 octobre au matin, des vagues de plusieurs dizaines de chars et de véhicules blindés russes ont avancé en colonnes au sud, au nord et au nord-ouest de la localité, appuyés par des salves d’artillerie, des bombardements d’hélicoptères et d’avions. Leur but : encercler Avdiïvka.

« Cela a été un choc pour tout le monde. Il y avait jusqu’à 50 frappes aériennes » sur la ville, poursuit le major Morozov, interrogé à Pokrovsk, à une quarantaine de kilomètres d’Avdiïvka.

Iouriï Chtepa, 55 ans, était lui dans une tranchée au nord-ouest de la cité industrielle.

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Iouriï Chtepa

Longue barbe grise, coiffé d’un pakol pakistanais, portant des lunettes anti-éclats jaunes, il raconte avec faconde et force gestes l’assaut ennemi.

« On a vite su que du matériel militaire (russe) arrivait. On pouvait l’entendre à 5-7 kilomètres », dit ce chef d’un groupe d’appui-feu d’une brigade de la défense territoriale ukrainienne.

Toutes les 15 minutes

« Les nôtres ont commencé à les cibler. L’artillerie fonctionne bien dans notre direction, ils (les Russes) n’y sont pas arrivés. Mais quand il y a 30 à 40 véhicules, c’est un peu difficile », poursuit le soldat, interrogé dans un village de la région éloigné du front, où son unité se repose.

Dans les airs, c’était « un avion toutes les 15 minutes environ et des hélicoptères toutes les 3 à 5 minutes », relate-t-il.

Si les Russes ont pu prendre quelques kilomètres carrés, des photos et des images vidéo diffusées sur les réseaux sociaux ont témoigné deux jours plus tard d’un échec cuisant de leur offensive.

On y voyait la destruction d’un « minimum de 36 véhicules blindés russes », note l’Institut américain d’études de la guerre (ISW).

« Les forces blindées russes n’ont pas appliqué les leçons tirées » de précédents échecs comme à Vougledar – à 50 km d’Avdiïvka – en février dernier, ou autour de Kyiv en mars 2022, quand les Ukrainiens avaient là aussi détruit des colonnes de chars « qui avançaient en désordre », ajoute l’ISW.

Située sur le front depuis 2014, Avdiïvka se trouve à 13 km au nord de Donetsk, la capitale, sous contrôle de Moscou, de la région éponyme dont le président russe Vladimir Poutine a revendiqué l’annexion il y a un an.

Érigée autour d’une immense cokerie, qui employait jusqu’à 4000 personnes, la ville compte encore quelque 1600 habitants, contre 30 000 avant la guerre.

Dans le centre, les grandes barres d’immeubles ont été partiellement ou entièrement détruites par des tirs quotidiens d’artillerie russe et, depuis mars, par les bombes puissantes de l’aviation.

Les derniers habitants « vivent uniquement dans des sous-sols », et « l’acheminement de l’aide humanitaire a été interrompu » provisoirement depuis le 10 octobre, précise le major Morozov.

« Les stocks de nourriture, d’eau, de médicaments et d’articles d’hygiène accumulés dans les sous-sols […] suffiront certainement pour un mois » s’il le faut, ajoute-t-il.

Ressource russe « inépuisable »

L’unique route d’accès à la ville par le nord reste « sous notre contrôle. Les Russes n’ont pas réussi à conquérir les hauteurs », dit le policier.

Sur leur position située dans un champ, Iouriï Chtepa dit avoir « creusé des tranchées de 2 mètres de haut ».

« On met des filets anti-drones. Parce que les Russes choisissent une position et lancent tout (pour attaquer) : mortiers, lance-grenades, drones kamikazes », détaille l’homme au pakol.

Les soldats russes « rampent généralement en petits groupes, sans gilet pare-balles, sans casque, rien. L’un avec des grenades, l’autre avec un fusil. Et un troisième, un peu plus en arrière, les couvre », poursuit-il.

Sur le point de retourner à Avdiïvka, le policer Morozov décrit une situation « plus calme » ces derniers jours.

« Il n’y a que quelques bombardements aériens, environ quatre à six » par jour, « les frappes de chars et d’artillerie se poursuivent », mais « il n’y a plus d’assauts massifs, l’ennemi a fait une pause », dit-il.

Pour Anatoliï Mogyla, 53 ans, commandant adjoint de l’unité de Iouriï Chtepa, « jusqu’à présent, (les Russes) ont été écrasés. Mais ils disposent d’une ressource humaine inépuisable. Je pense qu’ils vont certainement essayer » un nouvel assaut.