(Grenade) Les dirigeants populistes polonais et hongrois ont manifesté avec véhémence vendredi, au cours d’un sommet de l’UE, leur opposition à la réforme du système migratoire européen, qu’ils ne peuvent toutefois pas bloquer, deux jours après un accord-clé entre les États membres.

Le premier ministre hongrois Viktor Orban, un habitué des diatribes contre Bruxelles, est allé jusqu’à parler de « viol » dans de tonitruantes déclarations à son arrivée à ce sommet informel à Grenade, dans le sud de l’Espagne. « Si vous êtes violé légalement, forcé d’accepter quelque chose que vous n’aimez pas, comment voulez-vous parvenir à un compromis et à un accord ? C’est impossible », a-t-il lancé.

« Nous n’avons pas peur des diktats qui viennent de Bruxelles et de Berlin », a quant à lui tonné le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki. Il a réitéré son refus de se voir imposer un système de « distribution de migrants irréguliers », à dix jours d’élections législatives en Pologne qui s’annoncent serrées.

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Le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki

Pour exprimer leur mécontentement, dans une démarche avant tout symbolique, les deux pays ont fait obstacle vendredi à l’adoption d’une déclaration commune sur l’immigration à l’issue du sommet.

Le dossier migratoire, l’un des plus épineux entre les Vingt-Sept, a été mis à l’ordre du jour de ce sommet à la demande de la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni à la suite du récent afflux de migrants sur la petite île italienne de Lampedusa, qui a rappelé l’urgence d’une réponse européenne.  

Ces derniers jours, l’archipel espagnol des Canaries a aussi connu une recrudescence des entrées.  

Mercredi, les ambassadeurs des pays de l’UE avaient fini par se mettre d’accord sur un règlement mettant en place un mécanisme de solidarité obligatoire entre États membres dans le cas où l’un d’entre eux est confronté à une « situation exceptionnelle » liée à des arrivées « massives » de migrants à ses frontières.  

Le texte, qui prévoit aussi un régime dérogatoire aux procédures d’asile classiques, moins protecteur pour les migrants, a dû faire l’objet d’un compromis pour lever les réticences allemandes, puis italiennes.

« Différences de situation géographique »

Ce règlement, dernière pièce du Pacte asile et migration de l’UE qui doit encore faire l’objet de négociations avec le Parlement européen, a été agréé par les États membres à la majorité qualifiée comme les traités le prévoient, et non à l’unanimité comme le réclament la Pologne et la Hongrie.

Ces dernières ont voté contre le texte, tandis que l’Autriche, la Slovaquie et la République tchèque se sont abstenues.

Giorgia Meloni a de nouveau exprimé vendredi sa satisfaction sur ce texte, estimant que « la position que porte l’Italie depuis un an aujourd’hui domine ».

« Aujourd’hui, nous nous sommes retrouvés dans un Conseil européen où 27 pays sont d’accord sur le fait que la priorité est d’arrêter l’immigration illégale », a dit la dirigeante d’extrême droite.  

Elle a assuré « comprendre la position » de ses homologues hongrois et polonais, soulignant que les divergences de points de vue sur la réforme migratoire entre elle et ces dirigeants étaient dues à « des différences de situation géographique ».

Le président français Emmanuel Macron s’est félicité que le dossier migratoire « avance comme il se doit à la majorité qualifiée ».

Pologne et Hongrie ont réclamé, sans succès, que la déclaration finale du sommet comporte une référence à la nécessité d’une unanimité pour adopter la réforme migratoire. En riposte, elles ont refusé d’endosser le paragraphe de la déclaration commune portant sur l’immigration.

C’est ce qui s’était déjà passé pendant un sommet à Bruxelles fin juin, quand le duo polono-hongrois avait bloqué l’adoption de conclusions pour signifier son opposition à deux autres textes du pacte migratoire agréés par les États membres peu avant.

La déclaration sur l’immigration, endossée au nom du président du Conseil européen Charles Michel faute de consensus des 27, affirme la nécessité de répondre à l’immigration irrégulière « immédiatement et avec détermination » et d’« intensifier les renvois » de migrants irréguliers.

Il mentionne aussi la détermination de l’UE à nouer « des partenariats globaux mutuellement bénéfiques avec les pays d’origine et de transit », comme celui conclu en juillet avec la Tunisie afin de faire baisser le nombre des arrivées de migrants en provenance de son territoire.  

Ce protocole d’accord est pourtant l’objet de controverses, liées à des inquiétudes sur le respect des droits des migrants dans ce pays, mais aussi à des critiques de certains États membres qui se sont plaints de ne pas avoir été assez impliqués dans sa négociation.  

Les récentes déclarations du président tunisien, Kais Saied, refusant les fonds européens qui ont été alloués à la Tunisie, les qualifiant de « dérisoires », ont encore alimenté les doutes sur ce partenariat.