(Belgrade) La police serbe a arrêté mardi un homme d’affaires et responsable politique des Serbes du Kosovo, Milan Radoicic, accusé par le Kosovo d’être le chef du commando qui a tué fin septembre un policier kosovar, provoquant l’une des plus graves escalades dans les relations entre Belgrade et Pristina depuis des années.

Milan Radoicic, 45 ans, a été placé en détention provisoire pour 48 heures et déféré au parquet de Belgrade, a indiqué le ministère de l’Intérieur serbe dans un communiqué.

La police a mené des perquisitions dans son appartement et d’autres biens lui appartenant, ajoute le ministère, sans préciser où a été arrêté le suspect, ni où ont eu lieu les perquisitions.

Le président serbe Aleksandar Vucic avait déclaré la semaine dernière que M. Radoicic se trouvait en « Serbie centrale ».

Ce dernier avait alors, par la voix de son avocat, affirmé être à l’origine du commando.

PHOTO ANDREJ ISAKOVIC, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Milan Radoicic a longtemps été le vice-président de la Liste serbe (Srpska lista), principale formation politique des Serbes du Kosovo. Il a démissionné de ses fonctions après les derniers incidents.

Soupçonné d’« association de malfaiteurs » dans le but de commettre des « délits graves contre la sécurité publique », Radoicic a « nié les accusations », a indiqué dans l’après-midi le Parquet, qui a proposé à un juge d’instruction de le maintenir en détention en raison du « danger de fuite ».

Le Parquet a précisé que Radoicic était soupçonné de s’être procuré « des armes, des munitions et des engins explosifs » en provenance de Bosnie entre janvier et septembre, et de les avoir ensuite transportés et stockés au Kosovo, jusqu’au jour de l’attaque, le 24 septembre.

La présidente du Kosovo, Vjosa Osmani, a demandé mardi dans une interview sur CNN à ce que « Radoicic et les autres terroristes soient remis à la République du Kosovo, pour que justice soit rendue ».

Radoicic est depuis longtemps considéré comme le responsable politique serbe le plus influent dans le nord du Kosovo, et comme un proche du pouvoir de Belgrade. Il est visé depuis 2021 par les sanctions américaines, soupçonné de crime organisé et de corruption.

Le nord du Kosovo, une zone à majorité serbe régulièrement secouée par des tensions, a été le théâtre le 24 septembre d’affrontements entre les forces spéciales de la police kosovare et un commando paramilitaire lourdement armé.

Dans un premier temps, un policier kosovar a été tué et un autre blessé sur une barricade dressée à l’entrée du village de Banjska, à 15 km de la frontière serbe.

La police kosovare a alors lancé une opération contre ce groupe, qui s’était retranché dans un monastère de l’Église orthodoxe serbe. Trois de ses membres, tous des Serbes du Kosovo, ont été tués, trois autres arrêtés. Les autres ont fui, dont Milan Radoicic.

Dès le lendemain de ces affrontements, le ministre de l’Intérieur du Kosovo, Xhelal Sveçla, avait accusé Radoicic d’être à la tête commando.  

Ces 24 heures ont généré les tensions les plus fortes depuis des années entre la Serbie et le Kosovo, les États-Unis accusant notamment Belgrade de masser des hommes à la frontière ces derniers jours.  

« Nous avons commencé à les voir retirer leurs forces et c’est une bonne chose », a déclaré mardi John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain. « Cela va aider à la désescalade. Pas éliminer les tensions, mais aider à la désescalade ».  

« Rêve de liberté »

« J’ai moi-même réalisé toutes les préparations logistiques » et « je n’en ai informé personne dans les institutions du pouvoir de la République de Serbie […] et je n’ai non plus obtenu aucune aide de leur part », avait-il affirmé dans une lettre lue par son avocat à Belgrade.

L’objectif était, avait-il expliqué, « de créer les conditions pour réaliser le rêve de liberté de [son] peuple dans le nord du Kosovo ».

La Serbie refuse de reconnaître l’indépendance que son ancienne province méridionale, à majorité albanaise, a proclamée en 2008.

Un tiers des quelque 120 000 Serbes du Kosovo vivent dans le nord, région frontalière de la Serbie où Pristina souhaite asseoir sa souveraineté.

Milan Radoicic a longtemps été le vice-président de la Liste serbe (Srpska lista), principale formation politique des Serbes du Kosovo. Il a démissionné de ses fonctions après les derniers incidents.

La police kosovare a mené la semaine dernière des perquisitions dans ses propriétés dans le nord du Kosovo, notamment dans une luxueuse villa au bord du lac de Gazivode (nord-ouest).

Le ministre kosovar de l’Intérieur a déclaré que cet édifice serait saisi, car construit sur un terrain d’État, et qu’il serait transformé en commissariat de police.