(Belgrade) La Serbie a rendu hommage mercredi à ses « martyrs » tombés dimanche au Kosovo, membres du commando accusé d’avoir tué un policier kosovar dans une embuscade, tandis que Pristina affirme avoir déjoué le « scénario d’une effusion de sang ».

Les drapeaux étaient en berne dans la capitale serbe, Belgrade, mercredi ayant été décrété jour de deuil national, tout comme dans les localités majoritairement serbes du nord du Kosovo.

Dans la soirée, des centaines de personnes se sont retrouvées devant la cathédrale Sainte-Sava dans le centre de la capitale à l’appel d’un groupe de supporteurs de l’Étoile rouge : parmi les trois hommes tués dimanche figurait un de leurs membres, originaire de Zvecan, dans le nord du Kosovo. Il a « donné sa vie de façon héroïque pour son peuple et sa patrie », ont-ils dit dans leur appel.  

Parmi les deux autres, selon les autorités kosovares, se trouverait un ancien garde du corps d’Aleksandar Vulin, le chef des services de renseignement serbes. Ce que le président serbe Aleksandar Vucic a démenti dans une interview mercredi soir.  

« La Serbie marque un jour de deuil à cause des évènements tragiques au Kosovo, à cause de la mort de tous les gens. Du point de vue de la Constitution de notre pays, ils sont tous ressortissants de notre pays. La Serbie marque le jour de deuil pour les trois Serbes et pour le policier tué », a ajouté M. Vucic.  

La Serbie n’a jamais reconnu l’indépendance de son ancienne province, majoritairement albanaise, proclamée en 2008.

PHOTO BOJAN SLAVKOVIC, ASSOCIATED PRESS

Des gens allument des chandelles en hommage aux trois personnes mortes dimanche.

Les trois hommes, des « martyrs » pour le ministre de la Défense serbe, Milos Vucevic, sont morts dans une opération des forces spéciales kosovares, à leur poursuite après la mort d’un policier kosovar albanais dans une embuscade. Après sa mort, à quelques kilomètres de la frontière serbe, des dizaines d’hommes lourdement armés s’étaient retranchés dans le monastère de Banjska.

À la reprise du monastère par la police kosovare, ils n’y étaient plus. Selon Pristina, au moins six d’entre eux, blessés, seraient passés en Serbie pour être soignés dans un hôpital de Novi Pazar (sud).

Trois ont été arrêtés et placés en détention provisoire à Pristina pour « crimes contre l’ordre constitutionnel et la sécurité de la République du Kosovo ».

Pristina a dès dimanche accusé Belgrade d’être derrière cette attaque « criminelle et terroriste ». La Serbie a nié, incriminant à son tour le chef du gouvernement du Kosovo et ses « provocations » envers les Serbes du Kosovo.

Effusion de sang

Le ministre kosovar de l’Intérieur Xhelal Sveçla a réitéré ses accusations mercredi, en affirmant qu’un haut responsable politique des Serbes du Kosovo, Milan Radoicic, faisait partie du commando.

Sans nier la participation de ce dernier dans les dernières violences, M. Vucic a dit qu’il se trouvait en Serbie et qu’il serait interrogé par les autorités serbes.

Selon une liste diffusée par Albin Kurti, la police a saisi 150 kg d’explosifs, des dizaines de fusils automatiques, des lance-roquettes, un véhicule blindé…

« Avec plus de 5 millions d’euros d’armement militaire et des quantités suffisantes pour un groupe de centaines de combattants, le scénario de l’effusion de sang au Kosovo a été prouvé », a dit M. Kurti mercredi lors d’une réunion de son cabinet.

« La Serbie est totalement impliquée dans cette attaque terroriste », a-t-il ajouté – laissant entrevoir des jours compliqués pour la « normalisation » des relations avec Belgrade, déjà dans une impasse.

Environ 120 000 Serbes vivent au Kosovo, dont un tiers dans le nord, sur une population de 1,8 million d’habitants, en grande majorité des Albanais kosovars.  

Le ministre serbe de la Défense a par ailleurs déploré le manque de réaction de la force de l’OTAN (Kfor) lors des dernières violences.

« Nous sommes déçus par la réaction de la Kfor », a déclaré M. Vucevic, ajoutant que cette force « doit réagir la première dans de telles situations, pour prévenir que le bain de sang se poursuive ».

De son côté, la très influente Église orthodoxe serbe (SPC) a appelé ses fidèles à prier « pour toutes les victimes » […] les Serbes et les Albanais «, et pour » la paix pour tous ».

Mais elle a en même temps pointé une » politique dangereuse des autorités de Pristina, dont l’objectif est de chasser entièrement le peuple serbe « du Kosovo, qui est, selon la SPC » la partie inséparable de l’État de Serbie.