Le parti de droite qui était au pouvoir depuis quatre ans en Grèce semble en bonne position pour obtenir une confortable majorité de sièges lors des élections législatives prévues dimanche.

L’obtention d’un second mandat pour Nouvelle Démocratie pourrait se traduire par un nouveau durcissement des politiques migratoires du pays, s’alarment des organisations de défense des droits de la personne, qui accusent le gouvernement sortant de bafouer les lois internationales en vigueur avec l’appui tacite des autorités européennes.

« S’ils remportent l’élection, leur approche envers les migrants va avoir été récompensée. Ça va leur donner carte blanche pour introduire des mesures encore plus répressives », relève en entrevue Eva Cosse, analyste de Human Rights Watch établie à Athènes.

Le scrutin survient alors que la garde côtière grecque fait face à un barrage de questions pour son rôle dans la fin tragique de centaines de migrants à bord d’une embarcation surchargée ayant coulé la semaine dernière près de la ville de Pylos, dans le sud-ouest du pays.

Une centaine de personnes ont été sauvées et 80 corps ont été repêchés. Les recherches se poursuivent pour retrouver les dépouilles de centaines de disparus, notamment des dizaines de femmes et d’enfants.

La responsabilité rejetée sur les passeurs

Bien qu’il soit encore trop tôt pour trancher sur le déroulement des évènements et déterminer si les gardes côtiers ont manqué à leurs devoirs en omettant de venir en aide à l’embarcation, les médias grecs martèlent que la responsabilité du drame revient aux passeurs, note Mme Cosse.

PHOTO FOURNIE PAR LA GARDE CÔTIÈRE, ARCHIVES REUTERS

Le navire de migrants avant qu’il ne sombre, le 14 juin dernier.

Elle ne croit pas que l’ampleur de la tragédie soit de nature à fragiliser les appuis de Nouvelle Démocratie et de son chef, Kyriákos Mitsotákis, qui a fait de la « protection des frontières » un élément clé de sa campagne.

La population, souligne la recherchiste, a une vision déformée de la situation puisque les grands médias reprennent en boucle l’analyse de Nouvelle Démocratie, qui s’en prend agressivement à tout individu ou organisation non gouvernementale osant critiquer son approche en matière migratoire.

Le scrutin de dimanche survient à peine un mois après que la population grecque a été appelée aux urnes pour voter une première fois.

Nouvelle Démocratie a remporté alors une victoire convaincante avec 41 % des voix, loin devant son principal adversaire, la formation de gauche Syriza, à 20 %.

Le premier ministre sortant a rejeté l’idée de former une coalition, optant plutôt, comme le permet une récente réforme électorale, pour la tenue d’un second scrutin rapide prévoyant l’attribution automatique d’un bonus de sièges à la formation gagnante.

Opposition affaiblie

Marina Prentoulis, professeure de science politique à l’East Anglia University, en Grande-Bretagne, relève que la performance de Nouvelle Démocratie a dépassé les prévisions, même si sa victoire était attendue.

Le gouvernement a été frappé par un scandale d’écoute électronique et un accident ferroviaire ayant fait 57 morts qui n’a pas ébranlé pour autant ses assises.

Les difficultés économiques vécues par nombre de Grecs
– ils seraient aujourd’hui 20 % à vivre sous le seuil de la pauvreté – n’ont apparemment pas non plus eu une influence déterminante dans les urnes.

Les déboires de Syriza, note Mme Prentoulis, reflètent en partie le désabusement durable d’une partie de la gauche face à la volte-face du parti en matière économique.

La formation a appliqué de sévères mesures d’austérité réclamées par l’Union européenne après son arrivée au pouvoir en 2015, même si une majorité de Grecs s’étaient prononcés par référendum contre une telle approche.

PHOTO LOUISA GOULIAMAKI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Une affiche de campagne électorale et un kiosque de la formation de gauche Syriza, à Athènes, le 17 juin dernier.

« Syriza a changé sa stratégie depuis et s’est déplacé idéologiquement vers le centre pour obtenir une partie des voix qui s’y trouvent, mais ça n’a pas fonctionné », relève l’universitaire.

Le Pasok, un parti traditionnel de centre gauche qui n’avait recueilli que 5 % des voix lors de l’élection de 2015, en a obtenu 11 % il y a un mois, terminant troisième.

Plusieurs formations d’extrême droite qui souhaitaient participer au scrutin ont été bloquées par la Cour suprême, dont celui d’Illias Kassidiaris. Cet ancien député, condamné à 13 ans de prison en 2020 pour avoir dirigé une organisation criminelle, a milité longuement au sein du parti Aube Dorée, une formation radicale s’en prenant violemment aux immigrants.

À l’instar d’Eva Cosse, de Human Rights Watch, Mme Prentoulis ne croit pas que le drame survenu sur les côtes grecques la semaine dernière va jouer contre Nouvelle Démocratie.

Beaucoup de gens se préoccupent peu du sort des migrants, souligne l’analyste, qui reproche aux autorités européennes de passer sous silence les effets négatifs de l’approche « néolibérale » du parti de M. Mitsotakis pour favoriser le maintien au pouvoir d’une formation favorisant la ligne dure en matière de migration.

« La Grèce fait le sale boulot de l’Europe », résume Mme Cosse.