(Paris) La participation à la 14e journée de manifestations contre la réforme des retraites mardi en France a été la plus faible depuis le début du mouvement, poussant dirigeants politiques et syndicaux à reconnaître être dans une sorte de fin de « match ».

Cette réforme clé du second mandat d’Emmanuel Macron, qui repousse notamment de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite, avait suscité une mobilisation sans précédent dans le pays et une hostilité d’une partie de la population.

Mais les cortèges étaient plus épars que jamais mardi, avec seulement 281 000 manifestants dans toute la France selon le ministère de l’Intérieur et plus de 900 000 selon la CGT, des chiffres en net recul. Beaucoup ne s’étaient plus déplacés, jugeant que les jeux étaient faits.

À Paris, la CGT a fait état de 300 000 manifestants, contre 31 000 pour les autorités. Quelques incidents, devenus traditionnels, ont éclaté dans certaines villes. Au total, plus de 11 000 policiers et gendarmes étaient mobilisés, dont 4000 à Paris.

L’estimation la plus basse du syndicat remontait au 11 mars avec un million de manifestants dans le pays.

« Aujourd’hui, c’est le fatalisme qui semble l’emporter », constate à Nantes (ouest) Mona Le Goaëc, 55 ans, agent des écoles et militante du syndicat réformiste CFDT. « Il va falloir faire avec et accompagner au mieux les gens dans leurs conditions de travail… ».  

« Le match est en train de se terminer, qu’on le veuille ou non », a déclaré le numéro un de la CFDT, Laurent Berger.  

Il a appelé les syndicats à « peser dans le rapport de forces à venir » sur d’autres sujets comme les salaires ou les conditions de travail.  

« Nous voulons de vraies négociations », a prévenu à ses côtés la dirigeante de la CGT, Sophie Binet. Soulignant que « les retraites resteront toujours un combat », elle a mis en avant l’objectif de « gagner des avancées concrètes ».  

« L’intersyndicale va rester unie », a-t-elle ajouté, jugeant « probable qu’il y ait d’autres manifestations au vu de la colère dans le pays ».

« Pays fracturé »

Contrairement aux précédentes journées, peu de perturbations ont été recensées dans les écoles comme dans les transports, même si un tiers des vols ont été annulés au départ de l’aéroport de Paris-Orly.  

Selon un mode d’action déjà employé par le passé, le courant électrique a été coupé dans une large zone des Hauts-de-Seine, près de Paris, qui abrite des sièges de médias dont la radio RFI et la chaîne d’information France 24.

Dans la même veine d’action coup de poing : le siège du Comité d’organisation des JO-2024 a été brièvement envahi par des militants CGT.

Le sentiment de lassitude était aussi visible chez les dirigeants politiques mobilisés contre la loi phare de ce second mandat de M. Macron.

« La lutte continuera », a promis le chef de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, sans savoir « sous quelle forme », tandis que celle des Verts, Marine Tondelier, a estimé que le gouvernement n’avait « pas gagné ».

« Les jeux ne sont pas faits », a martelé M. Mélenchon. « Il s’est passé quelque chose d’extraordinaire et qui laissera une marque indélébile dans l’esprit des Français », a-t-il affirmé.

« Le président a un pays plus fracturé que jamais, les Français, en dépit de ses efforts de passer à une autre séquence, veulent en rester à la question des retraites », a pour sa part dit le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) Olivier Faure.

Mais le camp présidentiel entend avancer, comme en témoigne la publication dimanche au Journal officiel des deux premiers décrets d’application, dont celui portant progressivement l’âge légal de la retraite à 64 ans.

Les oppositions tenteront donc jeudi de soutenir à l’Assemblée une proposition de loi visant à abroger la réforme, mais cette initiative a peu de chances d’aboutir.

Pour la droite, « le match est joué », a estimé le chef des sénateurs Les Républicains (LR) Bruno Retailleau.

La cote de popularité du chef de l’État rebondit légèrement, à 31 % d’opinions favorables contre 29 % lors des deux mois précédents, mais celle de sa première ministre Élisabeth Borne recule de 4 points à 26 %, soit son niveau le plus bas, selon un sondage publié mardi.