(Château d’Elmau) Une accolade franche et chaleureuse, mais toujours quelques ambiguïtés : Emmanuel Macron et Boris Johnson ont affiché dimanche leur volonté de réchauffer l’atmosphère, neuf mois après la crise des sous-marins australiens, sans lever tous les malentendus.

Les deux dirigeants se sont retrouvés pour un bref échange bilatéral juste avant le coup d’envoi du Sommet du G7 au château d’Elmau dans les Alpes Bavaroises.

« How are you ? » (Comment allez-vous), a lancé Boris Johnson. « I am fine » (Je vais bien), a répondu Emmanuel Macron en tombant la veste pour prendre place à côté de lui.  

Les deux dirigeants sont confrontés à des situations politiques compliquées, le président français venant de perdre la majorité absolue à l’Assemblée nationale et Boris Johnson étant affaibli par une série de scandales.

Côté français, la volonté de « revitaliser » la relation est bien là après la période de glaciation qui a suivi en septembre la crise des sous-marins.  

Camberra avait alors annulé un mégacontrat de sous-marins avec la France au profit d’un partenariat stratégique avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, ce qui avait été vécu comme un coup de poignard dans le dos à Paris.

Le ton est aussi fortement monté ces derniers mois entre la France et la Grande-Bretagne sur les droits accordés aux pêcheurs dans les eaux britanniques à l’issue du Brexit. Et il reste vif entre Londres et les Vingt-Sept sur le statut post-Brexit de l’Irlande du Nord.

« Depuis, il y a eu la guerre en Ukraine », souligne-t-on à Paris en pointant la nécessité de se coordonner dans la riposte face à la Russie.  

Risque de « fatigue »

Les Occidentaux ont déjà pris plusieurs volets de sanctions contre la Russie dont la guerre contre l’Ukraine est entrée dans son cinquième mois.

Mais le gouvernement ukrainien en réclame plus, après des frappes russes sur Kyiv dimanche matin, un acte de « barbarie » dénoncé par M. Biden.

Face à un risque de « fatigue » du camp occidental, évoqué par Boris Johnson, le président américain a lancé un nouvel appel à l’unité du G7 et de l’OTAN face à Moscou.

Vladimir Poutine espérait « que, d’une manière ou d’une autre, l’OTAN et le G7 se divisent. Mais nous ne l’avons pas fait et nous ne le ferons pas », a assuré M. Biden.

Hôte du sommet, le chancelier allemand Olaf Scholz a également loué l’unité des alliés, à laquelle « Poutine ne s’attendait pas ». Les dirigeants ne se sont pas privés, lors d’un échange informel capté par les caméras, de tourner en dérision le président russe et sa pose torse nu lors d’une séance photo en 2009.

Alors que les troupes russes progressent dans le Donbass, le président ukrainien Volodymyr Zelensky interviendra lundi en visioconférence.

Il s’agit d’un « moment critique pour l’évolution du conflit », ont souligné Boris Johnson et le président français Emmanuel Macron, selon un porte-parole du gouvernement britannique.

Ils pensent qu’il est « possible de renverser le cours de la guerre », selon Downing Street.

Pas de solution négociée « maintenant »

Le premier ministre britannique a toutefois mis en garde contre toute tentation d’une solution négociée « maintenant » en Ukraine au risque de prolonger « l’instabilité mondiale ».

Le conflit et ses répercussions vont occuper une grande part des discussions avec de premiers entretiens consacrés aux turbulences économiques mondiales.

Joe Biden veut aussi démontrer à ses alliés que tenir tête à la Russie et faire face à la Chine sont des objectifs complémentaires, et non opposés.

Le G7 veut notamment contrer la Chine et ses « nouvelles routes de la soie » en investissant dans les infrastructures des pays défavorisés en Afrique, en Asie ou encore en Amérique latine.

À l’initiative des États-Unis, les dirigeants ont annoncé vouloir mobiliser 600 milliards de dollars d’ici 2027 censé répondre aux immenses chantiers financés par la Chine, mais aux contours encore flous.

« Beaucoup d’enthousiasme »

« C’est comme cela que se font les escalades », a-t-il réitéré dans un documentaire de France 2 en déplorant une petite « musique qui continue à être là, plus anglo-saxonne, consistant à dire nous “devons anéantir la Russie, l’affaiblir durablement” ».

La présidence française réfute de son côté toute divergence avec Londres et souligne la volonté d’œuvrer « collectivement pour essayer d’appuyer l’Ukraine autant que possible ».

La France préfère voir aussi le signal positif envoyé, selon elle, par Boris Johnson sur le projet français de Communauté politique européenne (CPE), qui permettrait de « réengager » le Royaume-Uni en Europe après le Brexit.

Emmanuel Macron a senti « beaucoup d’enthousiasme » chez M. Johnson, a relevé la présidence française.

Selon l’Élysée, une première réunion de la CPE au niveau des chefs d’État et de gouvernement aurait lieu au second semestre 2022 sous présidence tchèque de l’UE.

« Bien sûr nous sommes prêts à en discuter avec le président et nos collègues de l’UE s’ils nous fournissent plus de détails », a réagi le porte-parole de Boris Johnson.