Après deux mois passés à Lviv, Yulya Solodko et sa famille sont récemment revenus dans leur appartement du quartier Tatarka, au centre de Kyiv, capitale de l’Ukraine.

La vie n’a pas encore repris son cours normal d’avant l’invasion russe. Mais Mme Solodko savoure la beauté du printemps en marchant dans le quartier.

« C’est sans doute le plus beau moment de l’année, alors que tout est en fleurs, a-t-elle confié mardi matin au cours d’une entrevue téléphonique. Nous avons de la chance. L’appartement est en bon état. Par contre, nous avons une maison familiale en banlieue qui a été passablement endommagée, notamment au toit et aux fenêtres. »

PHOTO FOURNIE PAR YULYA SOLODKO

Chaque fois que la sirène annonçant une attaque aérienne retentit, les membres de la famille se réfugient dans le corridor de leur appartement, indique Yulya Solodko.

Le quartier Tatarka n’a pas encore retrouvé tous ses habitants ni son effervescence, poursuit la Kiévienne. « Certains commerces sont ouverts, dit-elle. Nous avons accès à tous les services réguliers : l’alimentation, la pharmacie, la poste. Mais il manque encore ce bruit de fond des voitures qui passent, de la construction, des gens qui parlent ou écoutent de la musique… »

Yulya Solodko, son mari et leurs deux enfants font partie de ces quelque 2,7 millions de personnes qui, après avoir quitté leurs demeures au début du conflit, ont depuis regagné celles-ci, selon des statistiques dévoilées mardi par l’Organisation internationale pour les migrations, une agence de l’ONU.

L’organisme a aussi indiqué que depuis le 24 février, quelque 13,6 millions d’Ukrainiens ont fui la guerre, dont 8 millions à l’intérieur du pays. Pour une population estimée à 43,2 millions d’habitants, c’est donc dire que plus de 30 % des Ukrainiens se sont retrouvés sur les routes.

PHOTO FOURNIE PAR YULYA SOLODKO

La maison familiale a été endommagée, notamment au toit.

« Les gens de notre âge sont presque tous partis. Nous sentons une responsabilité face à nos enfants », a dit Mme Solodko quelques secondes avant que la sirène d’un raid aérien ne la force à nous demander de ne pas quitter. « On a l’habitude, dit-elle au retour. C’est plus dérangeant qu’inquiétant. »

2250 missiles

Le quartier où vit Yulya Solodko a néanmoins été la cible de deux missiles, il y a deux semaines. « Ils sont tombés à 700 mètres de chez moi », observe-t-elle. Justement, le président du pays, Volodymyr Zelensky, a déclaré mardi devant des législateurs maltes que les villes ukrainiennes avaient été frappées par 2250 missiles russes en deux mois et demi de guerre. M. Zelensky a ajouté que l’Ukraine n’avait pas reçu la quantité d’armement nécessaire pour mettre fin au siège de Marioupol et libérer la ville. Il a par ailleurs affirmé avoir tout tenté, y compris la voie diplomatique, pour libérer les derniers défenseurs de l’aciérie d’Azovstal, mais que la Russie avait rejeté toutes les propositions.

Poutine vise la Transnistrie

À Washington, la directrice de la CIA, Avril Haines, a déclaré devant un comité du Sénat que Vladimir Poutine projette d’étendre l’invasion vers l’ouest, plus particulièrement vers la Transnistrie, région de la Moldavie ayant fait sécession en 1990. Selon Ekaterina Piskunova, chargée de cours au département de science politique de l’Université de Montréal, la Russie cherche stratégiquement à établir une zone tampon. « Je n’ai jamais pensé que le but du Kremlin était de prendre Kyiv ou d’aller dans l’ouest de l’Ukraine, dit-elle. Par contre, dans l’histoire de l’URSS et même de l’empire tsariste, il y a toujours eu une volonté très présente d’établir une zone tampon tout le long des frontières ouest et sud. Je vois donc chez Poutine une volonté de contrôler les régions limitrophes, de Kharkiv vers les régions de Louhansk et de Donetsk jusqu’à Marioupol sur la mer Noire, et de rattacher la Crimée par voie terrestre, donc [de prendre] Kherson, Mykolaïv et Odessa. »

L’Allemagne rouvre son ambassade

L’Allemagne a rouvert mardi son ambassade, à l’exemple du Canada et de plusieurs autres pays dans les dernières semaines. La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, était de passage dans la capitale ukrainienne après avoir visité Irpin et Boutcha. Elle a indiqué que l’ambassade fonctionnerait avec un personnel réduit au minimum sous la direction de l’ambassadrice Anka Feldhusen. Mme Baerbock a aussi déclaré que l’Allemagne entendait réduire « à zéro et pour toujours » sa dépendance aux énergies fossiles russes. La Grèce a aussi rouvert son ambassade à Kviv mardi.

PHOTO SERGEI SUPINSKY, AGENCE FRANCE-PRESSE

La ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne, Annalena Baerbock, devant l’ambassade à Kyiv, mardi.

La Russie accusée de cyberattaque

À Bruxelles, l’Union européenne (UE) a publié un communiqué dans lequel elle accuse la Russie d’avoir commis une cyberattaque contre des satellites de communication opérés par Viasat une heure avant le début de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février. « L’attaque a causé des perturbations importantes dans les communications qui ont affecté les services publics, les entreprises et les citoyens utilisateurs en Ukraine », affirme-t-on. Plusieurs pays de l’UE ont aussi subi les conséquences de l’attaque, ajoute-t-on.

Avec The Guardian, l’Associated Press, l’Agence France-Presse, Al Jazeera et Libération

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    SOURCE : The Guardian