(Kyiv) Des missiles russes ont frappé jeudi soir Kyiv, pour la première fois depuis la mi-avril et en pleine visite du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, qui a de son côté regretté que le Conseil de sécurité des Nations unies n’ait pas réussi à éviter la guerre en Ukraine.

Ce que vous devez savoir

  • Kyiv est la cible de bombardements russes alors que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres est en visite officielle ;
  • La Maison-Blanche a proposé jeudi d’utiliser les avoirs saisis auprès d’oligarques russes pour « pour compenser le préjudice causé à l’Ukraine ;
  • Joe Biden va demander au Congrès 33 milliards de dollars ;
  • Moscou a condamné jeudi des « actes terroristes » après les incidents dans la région séparatiste prorusse moldave de Transdniestrie ;
  • L’administration russe qui contrôle la ville de Kherson a l’intention d’y introduire le rouble à partir du 1er mai ;
  • Près de 5,4 millions de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays depuis l’invasion de leur pays ;
  • Antonio Guterres a appelé jeudi Moscou à « accepter de coopérer » avec l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI) ;
  • Les forces russes accentuent leur offensive dans l’Est ;
  • Le Parlement canadien condamne « un génocide »
Consultez Mieux comprendre la guerre en Ukraine

Des journalistes de l’AFP ont vu sur place un étage d’un bâtiment en feu avec de la fumée noire s’échappant des fenêtres brisées, tandis que de nombreux policiers et des secouristes étaient présents.

« Dans la soirée, l’ennemi a tiré sur Kyiv. Deux frappes sur le quartier de Chevchenkovsky », « sur les étages inférieurs d’un immeuble résidentiel », a dit le maire de la capitale, Vitali Klitschko.  

Photo Efrem Lukatsky, Associated Press

Des pompiers tentent d'éteindre un feu provoqué par une attaque à la roquette à Kyiv.

Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ce sont « cinq missiles » qui se sont abattus sur la capitale.

« Cela en dit long sur la véritable attitude de la Russie envers les institutions internationales, sur les efforts des dirigeants russes pour humilier l’ONU et tout ce que l’organisation représente », a commenté M. Zelensky dans une vidéo.  

Les services de secours ont écrit sur Facebook que 10 personnes avaient été blessées dans les attaques de missiles. Un immeuble résidentiel de 25 étages était visé « dont les deux premiers étages ont été partiellement détruits », selon la même source.

Photo SERGEI SUPINSKY, Agence France-Presse

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky

M. Guterres est « choqué », mais « en sécurité », a pour sa part tenu à rassurer un porte-parole des Nations unies, Saviano Abreu, déplorant que « cela soit arrivé à proximité de là où nous nous trouvions », bien que ce soit une « zone de guerre ».

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba, selon lequel les engins tirés étaient des missiles de croisière, a évoqué à ce sujet un « acte odieux de barbarie » et le chef de l’administration présidentielle, Andriï Iermak, a appelé à priver la Russie de son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU.

Quelques heures auparavant, Joe Biden avait réitéré le soutien de son pays à l’Ukraine face « aux atrocités et à l’agression » et demandé une rallonge de 33 milliards de dollars au Congrès.

Les États-Unis « n’attaquent pas » la Russie, mais « aident l’Ukraine à se défendre » et ont déjà livré dix armes antichars pour chaque blindé russe, a assuré le président américain.

Plus de 8000 crimes de guerre présumés

Arrivé jeudi en Ukraine, où il se rendait pour la première fois depuis le début du conflit, M. Guterres s’est entretenu avec M. Zelensky, regrettant que le Conseil de sécurité n’ait pas réussi à empêcher et arrêter la guerre déclenchée le 24 février par Moscou.

Photo GENYA SAVILOV, Agence France-Presse

Des corps de victimes sont regroupés à Boutcha sur des civières.

« L’invasion de l’Ukraine par la Russie est une violation de son intégrité territoriale et de la Charte des Nations unies », a-t-il une nouvelle fois déclaré.

« Dix soldats de la 64e brigade de fusiliers motorisés russe, appartenant à la 35e armée russe, ont été mis en examen » pour des crimes de guerre présumés à Boutcha, ont le même jour annoncé sur Telegram les services de la procureure générale d’Ukraine.

Les enquêteurs ukrainiens ont par ailleurs identifié « plus de 8000 cas » présumés de crimes de guerre depuis le début de l’invasion russe, a ensuite précisé Iryna Venediktova dans un entretien avec le média allemand Deutsche Welle.

Le 2 avril, à Boutcha, des journalistes de l’AFP ont découvert une rue jonchée de cadavres, ceux d’hommes habillés en civils.  

Et les Nations unies ont affirmé avoir documenté le « meurtre, y compris certains par exécution sommaire », de 50 civils, après une mission dans cette ville le 9 avril.

Ces mises en examen sont les premières depuis ces découvertes macabres.  

La procureure a précisé que les dix hommes feraient l’objet de recherches, en vue de les arrêter et de les déférer devant la justice.

La Russie avait démenti début avril toute responsabilité et parlé de corps « mis en scène ».

Quelques heures plus tôt jeudi, Antonio Guterres avait appelé Moscou à coopérer avec l’enquête de la Cour pénale internationale sur de possibles crimes de guerre, à l’occasion d’un déplacement à Boutcha et dans d’autres banlieues de Kyiv théâtres d’exactions imputées par les Ukrainiens aux forces russes.

« Quand nous voyons ce site horrible, je vois combien il est important d’avoir une enquête complète et d’établir les responsabilités », a déclaré M. Guterres. « J’appelle la Russie à accepter de coopérer avec la CPI », a-t-il ajouté.

Au cours d’une rencontre l’avant-veille à Moscou avec Vladimir Poutine, il avait demandé à Moscou de collaborer avec l’ONU pour permettre l’évacuation des civils des zones bombardées.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a quant à elle appelé jeudi à la création d’un « tribunal pénal international (TPI) ad hoc » afin de juger « les auteurs du crime d’agression contre l’Ukraine ».

Photo ALEXANDER ERMOCHENKO, REUTERS

Vue sur l’aciérie assiégée par les forces russes à Marioupol.

« Apocalypse » à Marioupol

Dans le même temps, la coordinatrice des Nations unies en Ukraine a annoncé qu’elle partait dans le sud de ce pays préparer une tentative d’évacuation de la ville portuaire assiégée et dévastée de Marioupol, presque entièrement contrôlée par les forces russes.  

L’ONU fait « tout son possible » pour évacuer les civils de « l’apocalypse » dans cette cité, a assuré jeudi M. Guterres, selon qui il s’agit d’« une crise dans la crise », ajoutant que « des milliers de civils ont besoin d’une aide vitale ».

Selon une analyse du Centre satellitaire des Nations unies (UNOSAT), 75 % des structures du vaste complexe métallurgique Azovstal à Marioupol, où sont retranchés des combattants ukrainiens, ont été endommagées.  

Les régions méridionales et orientales, où se concentrent à présent les assauts russes, subissaient d’ailleurs parallèlement à sa visite d’importants bombardements.

« L’ennemi intensifie son offensive. Les occupants effectuent des frappes pratiquement dans toutes les directions », avec une activité particulièrement intense dans les régions de Kharkiv et dans le Donbass, a souligné l’état-major ukrainien. Selon lui, l’armée russe tente d’empêcher le transfert de forces ukrainiennes du nord vers l’est.  

L’armée russe a de son côté affirmé avoir détruit dans la nuit avec des « missiles de haute précision » deux dépôts d’armements et de munitions dans la région de Kharkiv, et effectué des raids aériens sur 67 sites militaires ukrainiens.

A Kherson, seule ville d’importance dont les Russes aient complètement pris le contrôle depuis le début de leur invasion de l’Ukraine le 24 février, l’administration locale russe a dit jeudi vouloir introduire le rouble à la place de la hryvnia ukrainienne à partir du 1er mai.

C’est « un acte d’annexion et une violation grave par la Russie » de la Charte de l’ONU, a dénoncé Lioudmyla Denissova, chargée des droits humains au Parlement ukrainien.   

Dans le sud, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) n’a pu depuis l’invasion avoir accès à la centrale nucléaire de Zaporijjia, contrôlée par les Russes. Le directeur de l’AIEA, Rafael Grossi, de retour d’Ukraine, s’est dit « préoccupé ».

Jeudi toujours, le commandant des forces aériennes ukrainiennes a estimé que les lance-missiles fournis par les Occidentaux avaient une portée insuffisante pour « atteindre les avions de l’occupant, qui larguent des bombes sur nos villes à huit kilomètres d’altitude et plus ».

« Il nous faut des systèmes antiaériens de moyenne et longue portée » et des « chasseurs modernes », a déclaré Mykola Olechtchouk.

Les députés allemands ont pour leur part voté à une large majorité une motion demandant à leur gouvernement, jusqu’ici prudent sur la question, d’accélérer les livraisons d’armes lourdes à l’Ukraine.

Un conseiller de la présidence ukrainienne a quant à lui laissé entendre que Kyiv pourrait attaquer des cibles militaires en Russie.  

« L’Ukraine se défendra par tous les moyens, y compris avec des frappes sur des entrepôts et des bases des assassins russes. Le monde reconnaît ce droit », a pour sa part écrit jeudi sur Twitter Mykhaïlo Podoliak.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de son côté répété jeudi être prêt à « prendre l’initiative » pour mettre fin à la guerre, au cours d’une conversation téléphonique avec M. Poutine, selon Ankara. La Turquie a accueilli par deux fois, en mars, des négociations directes entre les deux parties et Moscou et Washington ont procédé mercredi à un échange de prisonniers sur son sol.