Le gouvernement ukrainien a été clair mercredi : tous les habitants de l’est de l’Ukraine doivent partir immédiatement. Le pays craint une offensive majeure de l’armée russe dans la région.

« Plus tard, les gens seront sous le feu, a déclaré la vice-première ministre Iryna Vereshchuk, et nous ne pourrons rien faire pour les aider. » Sur le plan militaire, les autorités ukrainiennes craignent une offensive russe de grande envergure dans l’est du pays, sur les zones qu’elles contrôlent près de la frontière russe.

La vice-première ministre ukrainienne a ainsi appelé mercredi la population civile de ces régions, dont la grande ville de Kharkiv, à « évacuer […] maintenant », pendant qu’il en est encore temps, sous peine de « risquer la mort ».

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Gens attendant d’être évacués de la ville lourdement bombardée de Derhachi, près de Kharkiv, mercredi

Au moins cinq personnes ont été tuées par des bombardements russes mercredi dans la région de Donetsk, dans l’est du pays, selon le gouverneur Pavlo Kyrylenko, qui a exhorté les civils à se rendre dans des zones plus sûres.

L’est de l’Ukraine, le Donbass, est partiellement occupé par les séparatistes soutenus par la Russie depuis 2014. Le 25 mars, après un mois de conflit à travers l’Ukraine, l’armée russe a annoncé vouloir limiter son offensive à l’est du pays. Depuis, les attaques russes s’enchaînent dans la région.

Mercredi, des obus et des roquettes se sont abattus à intervalles réguliers sur Sievierodonetsk, la ville la plus à l’est tenue par l’armée ukrainienne. À Vougledar, à 50 km au sud-ouest de Donetsk, quatre civils ont été tués et quatre autres ont été blessés dans le bombardement d’un centre de distribution d’aide, selon le gouverneur de la région.

Les forces russes ont également attaqué un dépôt de carburant et une usine à l’ouest du Donbass, selon les autorités. Dans la région de Louhansk, qui fait partie du Donbass, les bombardements russes ont mis le feu à au moins 10 bâtiments à étages et à un centre commercial dans la ville de Sievierodonetsk, selon le gouverneur régional.

La Russie cible l’Est

Mercredi, la Russie a achevé le retrait de l’ensemble de ses troupes, estimées à plus de 24 000 hommes, des régions de Kyiv et de Tchernihiv, dans le nord du pays, les envoyant en Biélorussie ou en Russie pour se réapprovisionner et se réorganiser, a déclaré un responsable américain de la défense.

« Les troupes russes semblent avoir quitté les régions du nord pour être probablement redéployées dans l’est et le sud du pays, où les Russes semblent avoir le plus de succès en ce moment », indique Richard Giguère, brigadier-général retraité des Forces armées canadiennes et expert à l’École supérieure d’études internationales de l’Université Laval.

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, a également prévenu que Moscou rassemblait des renforts et tentait de s’enfoncer plus profondément dans l’est du pays.

Un responsable occidental, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, a déclaré qu’il faudrait aux forces russes endommagées jusqu’à un mois pour se regrouper en vue d’une poussée majeure sur l’est de l’Ukraine. M. Giguère abonde dans le même sens. « Pour les réapprovisionner en matériel, en armes, en mutations, en carburant et en nourriture et les redéployer, ça va prendre un bon moment », lance-t-il.

Les survivants de Marioupol peinent à fuir

Le maire de Marioupol, Vadym Boichenko, a déclaré mercredi que plus de 5000 civils avaient été tués depuis le début du conflit, dont 210 enfants. Il a ajouté que les forces russes ont bombardé des hôpitaux, dont un où 50 personnes sont mortes brûlées vives.

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Convoi d’autobus en déplacement de Marioupol à Berdiansk, dans le sud-est de l’Ukraine, mercredi

Marioupol est une cible intéressante pour la Russie, puisque sa capture lui permettrait de s’assurer un corridor terrestre continu vers la péninsule de Crimée, qu’elle a saisie à l’Ukraine en 2014.

À l’heure actuelle, plus de 90 % des infrastructures de la ville ont été détruites par les bombardements, a indiqué le maire. L’armée russe a assiégé le port stratégique sur la mer d’Azov, coupant les approvisionnements en nourriture, en eau et en carburant et pulvérisant les maisons et les entreprises.

À l’heure actuelle, 160 000 personnes resteraient bloquées dans la ville, dont la population était de 430 000 habitants avant la guerre, selon des responsables de la défense britannique. Un convoi d’aide humanitaire accompagné par la Croix-Rouge tente sans succès d’entrer dans la ville depuis vendredi.

Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, la Russie bloque l’accès humanitaire pour dissimuler les « milliers » de victimes de cette ville assiégée.

« Crimes de guerre majeurs », selon Biden

Par ailleurs, les autorités ukrainiennes ont continué à rassembler les morts dans la banlieue en ruine de Kyiv. Les preuves s’accumulent que les Russes ont tué des civils sans distinction avant de se retirer de la capitale ces derniers jours.

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Joe Biden, président des États-Unis

Le président américain, Joe Biden, a dénoncé mercredi des « crimes de guerre majeurs » en évoquant les « corps laissés dans les rues après le retrait des Russes » et les « civils exécutés de sang-froid » à Boutcha.

Les autorités ukrainiennes ont déclaré que les corps d’au moins 410 civils avaient été retrouvés dans des villes en banlieue de la capitale.

Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press