(Kyiv) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé mercredi la Russie de bloquer l’accès humanitaire à Marioupol pour dissimuler les « milliers » de victimes dans cette ville assiégée et toujours bombardée du sud-est de l’Ukraine.

« Je pense que l’une des principales raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas faire entrer d’aide humanitaires dans Marioupol est que, tant que tout n’a pas été’nettoyé’par les soldats russes, ils ont peur que le monde voie ce qu’il s’y passe », a déclaré M. Zelensky dans un entretien avec la chaîne de télévision turque Habertürk, mis en ligne par la présidence.

Il s’agit « non pas de dizaines mais de milliers de personnes tuées et de milliers de blessés », a-t-il ajouté. « Nous savons combien de militaires (ukrainiens) y sont morts et combien y ont été blessés, mais nous ne savons pas combien de civils ».

« Mais, dans tous les cas, ils (les Russes) ne pourront pas tout cacher […]. Un tel nombre, c’est impossible à dissimuler. Et je pense que nous le verrons tous quand nous pourrons entrer » dans Marioupol, a-t-il encore déclaré.

« Ils ont brûlé des familles »

« À Boutcha par exemple ils ont essayé de le faire, ils ont brûlé beaucoup de gens dans cette région (autour de Kyiv) : Boutcha, Irpin, Gostomel. Ils ont brûlé des familles. Hier, nous avons de nouveau trouvé une famille : le père, la mère, les deux enfants. De tout petits enfants. C’est pour ça que je dis : ce sont des nazis », a martelé le président ukrainien.

Interrogé sur la possibilité d’une poursuite des pourparlers avec la Russie, M. Zelensky estime que ces négociations « devront avoir lieu de toute façon ».

« Nous n’avons pas très envie de négocier avec la Russie après ce que nous avons vu, pas très envie, je dois vous le dire, parce que nous comprenons à qui nous avons affaire », a-t-il ajouté. Mais « nous devons trouver même la moindre possibilité de négocier » car « je pense qu’il est difficile d’arrêter la guerre autrement », a-t-il relevé.

« Incinérateurs mobiles »

Le ministère ukrainien de la Défense a souligné mercredi que les assauts des forces russes se poursuivaient sur Marioupol.

« L’ennemi utilise activement l’aviation » pour bombarder la ville, a ajouté le ministère dans un communiqué.

Lioudmila Denissova, la déléguée aux droits humains du Parlement ukrainien, a fait état mercredi sur Telegram de témoignages selon lesquels les forces russes amenaient avec elles dans la ville des « incinérateurs mobiles » et des « équipements de broyage » pour faire disparaître les corps.

Une photo publiée sur sa messagerie semblait montrer un équipement de ce type installé dans un semi-remorque, la porte du four crématoire s’ouvrant à l’arrière du camion. Il était impossible dans l’immédiat d’authentifier ou de situer ce cliché.

« Des habitants partisans des occupants et des terroristes de la pseudo république (séparatiste prorusse, NDLR) de Donetsk ramassent les corps des habitants tués et torturés dans la ville pour les détruire dans les incinérateurs mobiles voire sur de simples feux », a affirmé Mme Denissova.

5000 morts

Marioupol, ville portuaire qui était la plus grande localité de cette région de l’est de l’Ukraine à échapper au contrôle des séparatistes prorusses jusqu’au déclenchement de l’invasion russe le 24 février, subit un siège très meurtrier depuis le début de la guerre.

La ville est détruite « à 90 % », affirme son maire Vadim Boïtchenko.

« Il y a une semaine, des estimations prudentes faisaient état d’un bilan de 5000 morts », a écrit mercredi sur la messagerie Telegram le conseil municipal de Marioupol.  

« Mais étant donné la taille de la ville, les destructions catastrophiques, la durée du blocus et la résistance acharnée, il pourrait y avoir eu des dizaines de milliers de victimes dans la population civile », a ajouté la même source.