(Stanitsa Louganska) La directrice de l’école maternelle bombardée jeudi à Stanitsa Louganska, sur la ligne de front dans l’est de l’Ukraine, a passé une nuit sans sommeil, obligée de se cacher face à de nouveaux tirs nourris.

Des lignes à haute tension détruites sont suspendues à leurs poteaux en bois et des tirs à l’artillerie lourde étaient encore audibles vendredi dans cette petite ville de 12 000 habitants, dont les images de l’école au mur troué se sont retrouvées jeudi à la une de l’actualité et dans les conversations des dirigeants du monde entier.

Cette escalade, à un moment où l’armée ukrainienne et les séparatistes prorusses s’accusent mutuellement de bombardements et de « provocations », est perçue comme un signe supplémentaire d’une prochaine invasion russe de l’Ukraine crainte depuis des mois par les Occidentaux.

Selon l’ONG Vostok SOS, qui vient en aide aux populations de l’est de l’Ukraine, plus de 20 immeubles d’habitation ont été endommagés par les bombardements.  

« Dans une de ces maisons, une famille a dormi à ciel ouvert. Elle n’a nulle part où aller », explique Kostiantyn Réoutski, son directeur : « Des habitants ont besoin de logements ».

La directrice de l’école, Natalia Boutenko, 38 ans, y est retournée dans la matinée « pour nettoyer un peu ».  

Le sol de la salle de sport est parsemé d’un épais tas de briques. Trois ballons de soccer gisent sur des débris, dans un coin décoré d’affiches.

« Les enfants sont effrayés »

« Les enfants sont effrayés, les adultes sont aussi angoissés. Dans nos maisons, on n’est pas en sécurité non plus, nous devons nous cacher », raconte-t-elle, ajoutant que sa famille a dû descendre à deux reprises dans un abri contre les bombes dans la nuit de jeudi à vendredi.

Trois adultes ont été légèrement blessés par l’onde de choc, mais les 20 enfants qui étaient à l’intérieur s’en sont sortis indemnes : ils prenaient leur petit-déjeuner dans la cantine au moment où l’obus est tombé.

Des meubles sont utilisés pour boucher les trous dans les murs ou les fenêtres aux vitres brisées. « S’il y a de nouveaux tirs, nous allons courir nous réfugier dans la maison d’à côté », explique Natalia Boutenko.

Une partie de la localité est toujours sans électricité vendredi et certains magasins et stations service restent fermés. Des voitures de la mission de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), chargée d’observer les violations du cessez-le-feu censé être en vigueur, et d’organisations humanitaires roulent dans la ville.

Le fonctionnement des réseaux de téléphonie mobile est perturbé à Stanitsa Louganska et à Severodonetsk, non loin de là, ont constaté des journalistes de l’AFP.

« Déstabiliser l’Ukraine »

Des « actes de sabotage », selon Anton Guerachtchenko, un conseiller au ministère ukrainien de l’Intérieur qui estime sur la messagerie Telegram que « cela fait partie du plan de la Russie pour déstabiliser l’Ukraine ».   

« Des villages autour de Stanitsa Louganska, dont Artemove, font l’objet de tirs. Cela va être comme ça dans les jours qui viennent. On veut contraindre l’Ukraine à la capitulation », déclare Iouri Zolkine, le maire de Stanitsa Louganska.

À 100 km au sud-ouest de là, sur la ligne de front à Novolouganské, des militaires ukrainiens observent aussi des combats plus intenses ces derniers jours. « C’est calme depuis quelques heures », dit un soldat qui ne donne que son prénom, Andriï.  

« Mais le matin, vers 7 h, d’abord à droite, puis à gauche, ils nous tiraient dessus avec des armes interdites », ajoute-t-il, faisant allusion aux armes lourdes censées avoir été retirées du front, en vertu des accords de paix de Minsk de 2015.

Ne pas répondre « aux provocations »

« Avant, ils tiraient avec des armes de petit calibre, des grenades classiques, des lance-grenades. Mais maintenant, ils utilisent des armes plus sérieuses : l’artillerie et les missiles antichars », ajoute Andriï.

Le ministre ukrainien de la Défense, Oleksii Reznikov, a déclaré vendredi au Parlement que les forces armées faisaient extrêmement attention à ne rien faire qui pourrait inciter la Russie à déclencher l’offensive tant redoutée.  

Andriï assure suivre ces instructions.  

« Nous ne répliquons pas », dit-il : « S’ils lancent une offensive directe, nous devrons les retenir. Mais, sinon, nous ne répondons pas aux provocations ».