Le Danemark a fêté mardi la fin des restrictions liées à la COVID-19, malgré une hausse sans précédent des contaminations.

Il est ainsi devenu le premier pays d’Europe à tenter un retour à « la vie d’avant », après un premier essai l’automne dernier. Le masque, le passeport sanitaire, les jauges dans les bars, les restaurants, les salles de spectacles et les stades sont abolis. De très rares restrictions sont en vigueur à l’entrée du pays pour les non-vaccinés.

« Personnellement, je suis content », se réjouit Mads Holst Nørregaard, directeur dans une boîte de communication de Copenhague, en entrevue avec La Presse. « Mais je crois qu’il est très important quand même de ne pas baisser la garde trop rapidement. Les prochains variants peuvent être plus virulents, voire mortels. »

En attendant, dit-il, c’est le retour à la vie normale. « Aucune vérification du passeport sanitaire. Seules quelques personnes portent encore le masque, mais la majorité l’a déjà mis de côté. Et les élèves sont de retour à l’école comme si de rien n’était… »

« Très surprenant »

Bien des Québécois aimeraient qu’on fasse pareil. Mais les experts consultés sont d’un autre avis.

« Je trouve ça très surprenant », lance Alain Lamarre, professeur et chercheur spécialisé en immunologie et en virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). « D’autant plus que le sous-variant d’Omicron BA.2, qui serait plus transmissible que le BA.1, est dominant au Danemark. »

La pandémie, en effet, est loin d’être endiguée dans ce pays de 5,8 millions d’habitants. Il s’agit d’une véritable flambée. Par rapport à sa population, on y compte presque quatre fois plus de nouveaux cas qu’en Allemagne et six fois plus qu’aux États-Unis (on ne peut plus comparer avec le Canada où plusieurs provinces, dont le Québec, ne font plus passer assez de tests de dépistage PCR).

Le nombre de morts suit une progression constante, mais moins explosive. Lundi, on enregistrait 3,29 décès par million d’habitants au Danemark, contre 3,9 au Québec.

« C’est risqué, insiste M. Lamarre. J’ose espérer qu’ils ont une capacité hospitalière meilleure que la nôtre, parce que si on voyait ça ici, je serais dans les premiers à dire que ça n’a pas de bon sens. »

Nous, on ne pourrait pas se permettre ça. Il faut y aller de façon beaucoup plus prudente et progressive parce que notre système de santé est amoché.

Alain Lamarre, professeur et chercheur spécialisé en immunologie et en virologie à l’INRS

Sur Twitter, le ministre danois de la Santé, Magnus Heunicke, affirme que le taux de reproduction du virus (nombre moyen de personnes qu’une personne contagieuse peut infecter) est de 1. « Une indication d’une épidémie stable au niveau national, mais il y a des développements intéressants au niveau régional, écrit-il. Les courbes semblent se casser, l’épidémie pourrait actuellement avoir culminé dans la région de Zélande et dans la capitale. Cependant, toujours incertain. »

Un grand coup en novembre

Le gouvernement danois a donné un grand coup en novembre, au début de la vague Omicron, en imposant de nouvelles règles sanitaires.

Un énorme effort de vaccination a aussi été entrepris en décembre, pour inoculer le plus grand nombre. La grosse différence, c’est la dose de rappel, dont l’administration a commencé beaucoup plus tôt qu’ici, surtout entre le 10 et le 20 décembre, au moment où le Canada et le Québec se mettaient sur pause.

Résultat : si le pays a assisté à une hausse de cas sans précédent, les hospitalisations n’ont pas suivi la même courbe.

Sur le plan hospitalier, le Danemark est ainsi moins frappé que d’autres pays. Les hospitalisations ont commencé à augmenter à partir de novembre, parce que la 5e vague a frappé plus tôt. Entre le 1er novembre et le 1er décembre, elles ont presque doublé pendant qu’elles baissaient au Canada. La croissance des hospitalisations s’est poursuivie pour atteindre 1070 personnes le 1er février. Cela équivaudrait, en fonction de la population, à 1557 hospitalisations au Québec. Or, lundi, la province comptait 2889 personnes hospitalisées, soit presque le double.

« Un prix à payer »

« Si, du jour au lendemain, le Danemark enlève plusieurs mesures, ce n’est pas garanti que les hospitalisations vont se mettre à baisser », note le DGaston De Serres, médecin-épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec. « Je comprends toutes les populations de vouloir se débarrasser de la pandémie, mais les discours politiques n’ont aucun effet sur l’évolution naturelle d’une pandémie ! C’est le virus qui va avoir le dernier mot. »

André Veillette, immunologiste à l’Institut de recherches cliniques de Montréal, estime que la décision du Danemark de lever toutes les restrictions ne repose pas sur des raisons scientifiques. « C’est des raisons, probablement, de politique, où il y a beaucoup de pressions, de tous bords, tous côtés, que ce soit le secteur économique ou les gens qui en ont ras le bol, avance-t-il. Mais c’est sûr qu’il y aura un prix à payer. »

En savoir plus
  • 1,74 million
    Nombre cumulatif de cas de COVID-19 au Danemark depuis le début de la pandémie
    Source : Our World in Data
    81,3 %
    Pourcentage de la population danoise pleinement vaccinée
    Source : Our World in Data