(Paris) Quatorze militantes féministes, présentes sur Instagram, ont assigné en justice sa maison mère Facebook, reprochant à la plateforme de censurer certaines de leurs publications alors qu’elle laisserait des utilisateurs les harceler en toute impunité, a appris mercredi l’AFP.

À l’origine de la procédure en référé, un « “deux poids, deux mesures” devenu insupportable » pour les instagrameuses. Car, parallèlement, ces dernières « subissent au quotidien, du harcèlement, des messages d’appels à la violence, à la haine » qui ne sont pas modérés, explique à l’AFP l’une de leurs avocates Me Valentine Rebérioux.

Leur but ? « Obtenir des réponses » sur la manière dont le géant américain conçoit et applique sa politique de modération, aux règles « bienveillantes, mais absolument incompréhensibles », poursuit-elle.

Selon la poursuite consultée par l’AFP, les militantes reprochent à Instagram d’avoir supprimé des publications telles que « Comment faire pour que les hommes arrêtent de violer ? » ou « Les hommes sont des prédateurs », relayées après la révélation d’affaires d’incestes. Le tout assorti parfois de menaces de suppression de leurs comptes.

À l’inverse, un mot-clé comme « #féminazi » peut être repris dans près de 300 000 publications sans modération, pointe le document.

Sont également dénoncées la suppression de photos de corps ou parties de corps dénudés ou suggérés, et « les censures permanentes » de comptes évoquant la sexualité comme @jouissanceclub.

« On s’est rendu compte qu’Instagram allait cacher certains comptes, pratiquant ce qu’on appelle du “shadow ban”, mais sans jamais l’assumer, ni (en) donner les règles »,  relate l’activiste féministe Camille Lextray, l’une des plaignantes à l’origine du référé déposé auprès du tribunal judiciaire de Paris.

« On a des preuves indéniables » de l’existence de cette pratique, certains comptes perdant « plus de la moitié de leur visibilité du jour au lendemain », ajoute la créatrice du compte @hysterique_mais_pas_que.  

Ce qui revient à priver de revenus les influenceurs comptant sur ce réseau pour leur activité.

La militante et danseuse Habibitch, associée à la procédure, raconte pour sa part avoir effectué en vain « des centaines de signalements » à Instagram après avoir subi plusieurs « raids (campagnes de harcèlement, NDLR) soit de trolls, de fascistes ou de masculinistes ».

« C’est épuisant psychologiquement. Au bout d’un moment, on est plus en colère contre la plateforme que contre les fascistes eux-mêmes », qui « existent dans l’impunité », explique-t-elle.

Instagram répond, dans une déclaration à l’AFP, que ses « règles sont conçues pour assurer la sécurité de (sa) communauté tout en lui permettant de s’exprimer aussi librement que possible ». Elle assure que ses équipes « examinent des milliers de signalements par jour ».