(Lourdes) Les évêques catholiques de France ont décidé lundi que les victimes de pédocriminalité dans l’Église seraient indemnisées, via un fonds financé par la vente de biens immobiliers ou « un emprunt », un mois après un rapport choc sur les violences sexuelles au sein de l’institution.  

Les prélats, réunis à Lourdes, un haut lieu de pèlerinage catholique dans le sud-ouest du pays, ont annoncé des mesures concrètes, après avoir reconnu vendredi la « responsabilité institutionnelle » de l’Église dans ces actes pédocriminels et leur « dimension systémique ».  

Une « instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation », dirigée par une juriste, va être constituée pour instruire les demandes des victimes, a expliqué devant la presse le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Éric de Moulins-Beaufort.  

Elle sera présidée par Marie Derain de Vaucresson, ancienne défenseure des enfants, qui, a-t-il précisé, constituera « son équipe à sa guise sur le modèle de la commission » indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), dont les conclusions ont secoué toute l’institution début octobre.

Cette cadre du ministère de la Justice, dont la mission commence immédiatement, « va déterminer les règles de fonctionnement de cette commission », a-t-il dit.  

« La réparation financière fera partie de la réponse, mais pas de manière automatique », a indiqué de son côté Mme Derain de Vaucresson au journal La Croix, soulignant que « cela dépendra vraiment de chaque victime ».  

« Certaines ont exprimé le simple besoin de savoir si leur agresseur était toujours en vie, d’autres de rencontrer une personne concernée par leur situation – l’abuseur lui-même ou l’évêque de l’époque », a dit la juriste.

Les évêques ont décidé d’alimenter le fonds d’indemnisation des victimes de pédocriminalité dans l’Église « en se dessaisissant de biens immobiliers de la Conférence des évêques de France et des diocèses ».  Si nécessaire, « un emprunt pourra être souscrit pour anticiper les besoins », selon Mgr de Moulins-Beaufort.

Autre annonce : les évêques ont demandé au pape d’envoyer une équipe de visiteurs afin de les évaluer sur la protection des mineurs et de « donner si nécessaire, les suites qui s’imposent à l’issue de leur visite ».  

Par ailleurs, neuf « groupes de travail » sont chargés de réfléchir à la « gouvernance » de l’Église, sous la responsabilité de laïcs. Une réponse aux collectifs de fidèles qui réclament avec force ces dernières semaines davantage de place pour les laïcs investis en son sein, dont les femmes.

« De la parole aux actes »

Les évêques avaient promis des « gestes » et un « échéancier » de mesures, pour une « traduction concrète » des 45 recommandations de la Ciase, commission dirigée par Jean-Marc Sauvé.

Le rapport Sauvé a estimé à 330 000 le nombre de personnes de plus de 18 ans ayant fait l’objet de violences sexuelles depuis 1950, quand elles étaient mineures, de la part de clercs, de religieux ou de personnes en lien avec l’Église.

Des victimes se sont félicitées des annonces des évêques lundi.

« C’est très positif », « c’est une véritable prise en compte des attentes des victimes et de ce que demandait la Commission Sauvé », a ainsi commenté auprès de l’AFP Jean-Luc Souveton, l’une des cinq victimes présentes à Lourdes au début de la rencontre.

« Il y a un changement d’attitude des évêques », a estimé Michel, une autre victime.

« Aujourd’hui, les choses sont actées », a déclaré Olivier Savignac (collectif Parler et revivre). « Le cadre est désormais posé », a-t-il dit, regrettant cependant n’avoir pas vu de « calendrier ».

Pour François Devaux, co-fondateur de La Parole libérée, « on est en train de passer de la parole aux actes ». « Les évêques sont au pied du mur », a jugé le cofondateur de l’association aujourd’hui dissoute, née en 2015 à Lyon pour dénoncer les agissements d’un aumônier du diocèse, le père Bernard Preynat, et le silence de l’archevêque d’alors, le cardinal Barbarin.

Mais, a-t-il aussi estimé, la reconnaissance de la responsabilité de l’institution « aurait dû en premier lieu être faite par le pape, pour l’Église du monde ».