Faut-il faire marche arrière au Royaume-Uni ? C’est en tout cas ce que réclament les scientifiques, devant la hausse marquée du nombre de cas de COVID-19.

À Londres, les professionnels du milieu de la santé ont exhorté cette semaine les autorités à rétablir les restrictions sanitaires pour éviter que le pays ne « trébuche sur une crise hivernale ».

Si ce « plan B » n’est pas appliqué, ils craignent que les hôpitaux britanniques soient de nouveau saturés d’ici quelques semaines.

Ils demandent au gouvernement de « réintroduire sans délai » des mesures comme le masque obligatoire dans les lieux fermés et font pression pour accélérer les injections de rappel.

En juillet, le premier ministre Boris Johnson avait levé toutes les restrictions contre la propagation du virus, y compris les règles de distanciation physique et l’obligation de porter un masque à l’intérieur.

Dans la foulée, les boîtes de nuit, les pubs et les restaurants ont été autorisés à ouvrir au maximum de leur capacité, et le travail à domicile a cessé d’être obligatoire.

Certains redoutaient une flambée des cas à la suite de cette décision jugée trop hâtive, en raison de la circulation du variant Delta. La catastrophe annoncée n’a pas eu lieu, mais les infections sont restées élevées et ont récemment commencé à augmenter.

Le Royaume-Uni a enregistré 49 156 nouveaux cas de COVID-19 lundi, le plus grand nombre depuis la mi-juillet. Les nouvelles infections ont atteint en moyenne 43 000 cas par jour au cours de la semaine dernière, soit une augmentation de 15 % par rapport à la semaine précédente.

Regain épidémique

L’Office national des statistiques a estimé qu’une personne sur 60 en Angleterre avait le virus, l’un des niveaux les plus élevés observés en Grande-Bretagne pendant la pandémie, au point où le Maroc a interrompu mercredi ses liaisons aériennes avec le Royaume-Uni, qui compte plus de 139 000 morts dus à la pandémie.

La levée prématurée des restrictions pourrait expliquer ce regain épidémique.

Les Britanniques ont vite repris leurs habitudes d’avant la COVID-19 et laissé tomber le masque dans la plupart des contextes, même si celui-ci est encore « recommandé » dans les magasins et obligatoire dans les transports en commun.

En septembre, l’Angleterre a par ailleurs renoncé au passeport vaccinal, contrairement à l’Écosse, qui vient d’introduire cette mesure.

Mais pour certains scientifiques, cette hausse s’explique plutôt par la diminution de l’immunité vaccinale. La campagne de vaccination britannique a connu un très bon départ, avec des injections dès le mois de décembre 2020 chez les personnes âgées ou fragiles. Or, des études suggèrent que l’efficacité des vaccins diminue avec le temps.

La moins grande efficacité du vaccin AstraZeneca, à la base de la campagne vaccinale britannique, serait aussi mise en cause. S’il protège bien contre les formes graves de la maladie, le vaccin anglo-suédois serait moins efficace que ceux de Pfizer et de Moderna contre les simples infections, avancent des études.

À ces trois « points de convergence », Benoît Barbeau ajoute le facteur saisonnier. « Le Royaume-Uni est un pays plus au nord, les températures commencent à être plus froides, explique l’expert en virologie, professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Les gens sont de plus en plus à l’intérieur et il y a plus de contacts de personne à personne. Cela fait en sorte que le virus va circuler davantage. »

Une décision politique

En entrevue à la BBC, l’épidémiologiste Neil Ferguson, membre du groupe consultatif de scientifiques du gouvernement pour les urgences, a plaidé mardi pour une « accélération » du programme de rappel, principalement pour les personnes âgées ou immunodéprimées.

Il a aussi appelé le gouvernement à resserrer les restrictions pour freiner la hausse des cas, en donnant l’exemple d’autres pays européens, où l’épidémie a nettement reculé.

« En fin de compte, c’est une décision politique », a-t-il dit.

Boris Johnson, de son côté, ne semble pas prêt à reculer. Mercredi, sur Times Radio, le secrétaire d’État aux Affaires, Kwasi Kwarteng, a réitéré la position du chef conservateur en déclarant « que ce serait une totale erreur pour [le gouvernement] de revenir au confinement ».

Faisant remarquer que les taux d’hospitalisation et de décès étaient beaucoup plus bas que dans les pics précédents de la pandémie, il a dit que le pays « apprenait à vivre avec le virus ».

Avec quelles conséquences ? Au-delà d’une éventuelle troisième dose, le microbiologiste Donald Vinh fait remarquer que 14 % des Britanniques de plus de 12 ans ne sont toujours pas adéquatement vaccinés, et qu’on est encore loin des 95 % nécessaires à l’immunité collective face au variant Delta.

Dans ce contexte, il se dit en accord avec le message martelé par les scientifiques britanniques, d’autant qu’on parle maintenant d’un nouveau « sous-variant » Delta (AY4.2) actuellement sous haute surveillance.

« Au Royaume-Uni, il y a des choses qui disent qu’on doit ralentir le plan de déconfinement, dit-il. Je comprends que d’un point de vue psychologique, social, économique, on doive retourner à la normalité et une capacité maximale des entreprises. Mais d’un point de vue médical, je pense que la Grande-Bretagne n’est pas tout à fait sortie du bois. »

Resserrement d’autant plus nécessaire que le temps des Fêtes approche à grands pas, avec ses réunions familiales et ses inévitables rencontres sociales à l’intérieur.

« S’ils continuent comme ça, conclut-il, je peux prévoir un désastre en janvier. »

Avec l’Agence France-Presse

1er

Le Royaume-Uni est le pays européen comptant le plus de cas d’infection à la COVID-19 (8,5 millions). Il est 4e au monde, derrière les États-Unis, l’Inde et le Brésil.

8e

Le Royaume-Uni est le 8e pays au monde pour les décès liés à la COVID-19, avec 139 000. Il est devancé par les États-Unis, le Brésil, la Russie, l’Inde, le Mexique, le Pérou et l’Indonésie.

Source : Reuters