Le chroniqueur vedette laisse toujours planer le doute sur sa candidature à la présidentielle. La France frémit…

Ira-t-il ? N’ira-t-il pas ? C’est la question que la France se pose. Et à laquelle le principal intéressé n’a toujours pas répondu, trop heureux de laisser planer un suspense qui nourrit sa notoriété.

Voilà plusieurs mois déjà que flotte le spectre d’une candidature d’Éric Zemmour à la présidence de la République, pour un scrutin prévu en mai prochain.

Mais depuis la rentrée, les signaux paraissent de plus en plus insistants. Invité sur tous les plateaux à la faveur d’un nouveau livre lancé jeudi (La France n’a pas dit son dernier mot), l’essayiste et polémiste vedette promet qu’il dévoilera ses plans d’ici le prochain mois. Si elle se confirme, sa candidature pourrait avoir un impact sur la campagne et le résultat final de l’élection.

« Zemmour pourrait rebattre les cartes », résume tout simplement le sociologue des médias François Jost.

Du succès dans la controverse

En France, tout le monde connaît Éric Zemmour. Chroniqueur au Figaro, figure de proue de la chaîne d’info continue CNews, qualifiée par certains de « Fox News française », le polémiste s’est bâti une réputation sulfureuse avec un discours de droite dure et d’extrême droite sans compromis, qui fait passer Marine Le Pen pour une enfant de chœur.

Éric Zemmour est ouvertement europhobe. Milite pour l’ordre et la sécurité. Dénonce le pouvoir excessif donné aux femmes, aux gais, à l’élite politique et aux médias, qu’il range globalement à gauche.

Ses positions sont encore plus radicales sur la race et l’immigration.

Pour Zemmour, l’islam est tout simplement incompatible avec une certaine idée d’une France blanche et glorieuse, dont l'identité est devenue confuse.

Zemmour estime que tous les immigrants devraient s’assimiler, ou alors quitter le pays. Que les prénoms musulmans devraient être interdits dans l’Hexagone. Il épouse ouvertement la thèse du « grand remplacement » selon laquelle la population française de souche sera à terme remplacée par une population arabe et africaine. Et n’hésite pas à dire que les migrants mineurs isolés sont des « violeurs, des voleurs et des assassins ».

Ses paroles pour le moins controversées lui ont valu d’être condamné pour incitation au racisme en 2011 et en 2018. Un procès pour « discrimination » et « injures raciales » lui pend au nez. Les amendes à son endroit se multiplient.

Mais ça ne l’empêche pas de connaître un véritable succès, preuve que sa pensée séduit, aussi provocatrice soit-elle.

Des chiffres ? Éric Zemmour attire plus de 800 000 téléspectateurs à son émission quotidienne Face à l’info, ce qui a notamment permis à CNews de dépasser sa grande rivale BFMTV dans les cotes d’écoute (on devrait plutôt dire « attirait », car le polémiste vient de perdre sa tribune, à la demande du Conseil supérieur audiovisuel qui s’inquiétait de son temps d’antenne privilégié alors que sa candidature semble imminente. Il sera remplacé par l’essayiste québécois Mathieu Bock-Côté, devenu une vedette de la chaîne).

Quant à ses livres, sortes d’essais nationalistes à forte teneur historique, ce sont systématiquement des best-sellers, qui s’écoulent à près d’un demi-million d’exemplaires en moyenne.

Tout indique que son plus récent opus, publié à compte d’auteur à la suite d’un différend avec son ancien éditeur Albin Michel, atteindra les mêmes sommets. Selon ce que rapporte Le Monde, 300 000 exemplaires auraient déjà été précommandés.

On comprend mieux pourquoi sa possible candidature fait jaser.

Une menace pour Marine Le Pen

Zemmour est actuellement crédité de 10 % des intentions de vote. Ces chiffres sont une mauvaise nouvelle pour Marine Le Pen, qui pourrait souffrir de cette division du vote à l’extrême droite et perdre la frange la plus dure de son électorat.

« Avec Le Pen, le discours s’est beaucoup atténué, alors que Zemmour a repris tous ses thèmes de façon complètement décomplexée et extrême. Cela bouleverse complètement le paysage, car l’électorat le plus radical du Rassemblement national pourrait être tenté de voter pour lui », explique François Jost.

Au Rassemblement national (RN), on minimise la menace. Mais il y a de l’inquiétude dans l’air. S’il est peu probable que Zemmour accède au second tour, les années récentes nous ont montré que tout était possible en politique, y compris l’émergence d’un outsider surgi de nulle part : Donald Trump aux États-Unis, Volodymyr Zelensky en Ukraine, Beppe Grillo en Italie…

Selon le politologue Olivier Ihl, cette perspective plaît à une partie de l’électorat français, dont la défiance à l’égard de l’élite ne fait qu’augmenter. Pensez antivax, Gilets jaunes et abstentionnistes, qui composent un fragment significatif de l’électorat, et pour qui Zemmour peut être vu comme une intéressante roue de secours.

Il est perçu comme un casseur d’assiettes, bien en mesure de capter les aigreurs contestataires. Il est là plus pour incarner un ras-le-bol que pour vraiment incarner un programme politique.

Olivier Ihl, politologue

Quoi qu’il en soit, le polémiste peut déjà se vanter d’avoir monopolisé l’attention médiatique sur sa personne et ses idées, même s’il n’a toujours pas officialisé son entrée dans la course.

Gagnant avant même d’avoir joué, il s’en félicitait d’ailleurs cette semaine, en entrevue sur les ondes de la radio RTL.

« La question fondamentale qui taraude les Français, c’est l’immigration […] la question de l’existence du peuple français est posée, la question de la civilisation française est posée et je veux imposer cette question. En candidat ou pas en candidat, j’ai déjà réussi […] Depuis qu’il y a une rumeur sur ma candidature, tout le monde se met à parler comme moi. »

Voilà qui promet.