(Londres) C’est le grand perdant d’un remaniement visant à serrer les rangs en vue de l’après-pandémie : le premier ministre britannique Boris Johnson a remercié mercredi son chef de la diplomatie Dominic Raab, critiqué pour sa gestion de la crise afghane.

Le ministre des Affaires étrangères, 47 ans, est remplacé par Liz Truss, 46 ans, personnalité réputée pour sa popularité auprès de la base conservatrice et jusqu’alors chargée du Commerce extérieur. Elle accède à un poste stratégique, deuxième femme à occuper ce poste, alors que le Royaume-Uni cherche à renforcer sa place sur la scène internationale après le Brexit.

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Dominic Raab à son arrivée au 10 Downing Street, où le premier ministre Boris Johnson lui a enlevé les Affaires étrangères, lui confiant comme prix de consolation la Justice et lui donnant le titre officiel de vice-premier ministre, une fonction qu'il exerçait déjà.

« Le gouvernement que j’ai désigné aujourd’hui travaillera inlassablement pour unir et niveler par le haut tout le pays », a déclaré Boris Johnson sur Twitter, réitérant une promesse de campagne à destination des régions défavorisées du nord de l’Angleterre ravies aux travaillistes en 2019.

« Nous allons reconstruire en mieux après la pandémie et répondre à vos priorités », a-t-il ajouté.  

Dominic Raab s’était vu reprocher son inaction face à l’arrivée des talibans au pouvoir, restant en vacances en Crète alors que Kaboul tombait en août. Il avait ensuite semblé rejeter sur l’armée la responsabilité de certaines erreurs commises lors des évacuations, menées dans une impréparation apparente qui a provoqué la colère dans les rangs conservateurs.  

Prix de consolation : il devient ministre de la Justice avec le titre de vice-premier ministre, fonction qu’il occupait de facto jusqu’alors, dirigeant le gouvernement au printemps 2020 quand Boris Johnson, malade de la COVID-19, avait été hospitalisé.

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Alors ministre des Affaires étrangères, Dominic Raab avait défendu sa décision de rester en vacances sur l’île de Crète, affirmant avoir travaillé intensément de là-bas. Il avait été contredit par d’autres vacanciers : « Travaillant intensément ? À son bronzage, peut-être », avait titré le tabloïd londonien Daily Mail.

Liz Truss sera remplacée par Anne-Marie Trevelyan, anciennement au Développement international, dont le ministère avait été englobé au sein des Affaires étrangères.  

Après un départ d’Afghanistan dans la douleur et un an et demi de pandémie, mais aussi à un moment où le Brexit provoque la pagaille dans les approvisionnements du Royaume-Uni, Boris Johnson cherche à donner un second souffle à son action.

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La nouvelle secrétaire aux Affaires étrangères Liz Truss, quittant la résidence officielle du premier ministre britannique après avoir été nommée à ce poste par Boris Johnson.

Au-delà du chef de la diplomatie, plusieurs poids lourds ont été remerciés, notamment le ministre de l’Éducation Gavin Williamson, dont le départ faisait peu de doutes après de multiples gaffes et le fiasco des examens post-confinement.

Chouchou de la presse conservatrice, le jeune et populaire ministre des Finances Rishi Sunak, 41 ans, a en revanche été confirmé, de même que celui de la Défense Ben Wallace et la ministre de l’Intérieur Priti Patel, pourtant sur la sellette en raison de son incapacité à réduire les arrivées de migrants irréguliers par la Manche.

Le jeu de chaises musicales se traduit par la promotion de l’actuel secrétaire d’État chargé de la vaccination Nadhim Zahawi, nommé à l’Éducation après le succès de la campagne d’immunisation britannique contre la COVID-19. Nadine Dorries accède à la Culture, poste sensible au moment où le gouvernement veut réformer la BBC et privatiser la chaîne Channel 4.

Mauvais sondage

Le moment est charnière pour le chef du gouvernement âgé de 57 ans, arrivé au 10 Downing Street à l’été 2019 et largement vainqueur des législatives de décembre 2019 avec la promesse de réaliser le Brexit, voté en 2016, mais alors dans l’impasse.

Un récent sondage de l’institut YouGov a montré une chute de popularité des conservateurs (à 33 %), dépassés par le Parti travailliste (35 %) pour la première fois depuis le début de l’année.

Le gouvernement paye notamment l’annonce d’une hausse des prélèvements sociaux, contraire à ses promesses électorales, mais destinée à renflouer le système public de santé et à réformer le secteur de la dépendance.

Sur le plan sanitaire, le gouvernement fait face à une situation délicate après avoir levé en juillet l’essentiel des restrictions anti-COVID-19.  

Les contaminations restent à un niveau élevé (autour de 30 000 par jour), bien que contenu par la vaccination. Et la rentrée scolaire et l’arrivée des virus hivernaux comme la grippe font craindre le pire pour les hôpitaux, au risque d’aggraver de manière significative l’un des pires bilans en Europe (plus de 134 000 morts).

Les plans du gouvernement dévoilés mardi pour préparer l’hiver reposent essentiellement sur une campagne de rappel de vaccination, avec pour plan « B » un recours au masque en intérieur, le télétravail ou le passeport vaccinal.

Sur le plan économique, si la croissance repart, le Brexit accentue les difficultés liées à la pandémie. Plusieurs secteurs manquent de main-d’œuvre, notamment les chauffeurs routiers, perturbant les approvisionnements, et l’inflation a bondi en août à son plus haut niveau depuis 2012.