(Paris) À Notre-Dame de Paris, les ouvriers ont achevé mardi le démontage de l’ancien échafaudage, entrelacs de centaines de tonnes d’acier calciné, sous l’œil de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot. Qui assure que le chantier sera terminé en 2024 : « on chantera un Te Deum ».

À 32 mètres au-dessus du sol, sur une étroite passerelle métallique, s’avance la ministre, en proie à un fort vertige, soutenue par le général Jean-Louis Georgelin, président de l’Établissement public.

Toute l’équipe du chantier de Notre-Dame, ainsi que Marc Guillaume, préfet de la Région-Ile de France et Mgr Chauvet, recteur de la cathédrale, est réunie.  

Puis chacun plonge son regard dans l’immense cratère béant de la croisée du transept, entouré d’énormes amoncellements de poutres noircies et de tiges de métal déformées par le brasier du 15 avril 2019.  

Mme Bachelot et le général Georgelin ont tenu à saluer le travail d’équipe. Cordistes et échafaudeurs ont travaillé dans ces conditions périlleuses : à l’issue d’un travail de précision de près de six mois, retardé par les mesures sanitaires anti-plomb, des intempéries et le premier confinement, ils ont finalement eu raison, avec une grue géante, de cette immense araignée de métal noirci – 40 000 pièces de 200 tonnes.  

PHOTO MARTIN BUREAU, AGENCE FRANCE-PRESSE

Cet échafaudage, qui préexistait à l’incendie, emprisonnait la cathédrale naufragée, menaçant, si une seule barre s’écroulait, la stabilité de l’édifice déjà fragilisé.  

« Je ressens une profonde émotion. Quand on rentre dans la nef martyrisée, on a les larmes qui montent aux yeux », a lancé la ministre.

« Notre-Dame est sauvée, on le sait depuis aujourd’hui » et « la crainte sur la solidité de la structure est définitivement derrière nous », a-t-elle souligné dans la soirée, lors d’une audition par la mission d’information de l’Assemblée nationale sur Notre-Dame. Mais, a-t-elle reconnu, « le chemin reste long et la phase de sécurisation et de consolidation va se poursuivre jusqu’à l’été 2021 ».  

Si le principal obstacle de la restauration est levé, le seul spectacle des gravats suffit à comprendre qu’il reste beaucoup à faire dans la sécurisation et les expertises qui iront avec : il faudra attendre avant d’engager la restauration proprement dite.  

La chapelle test

Dans les prochaines semaines, il va falloir évacuer l’ensemble des gravats et sécuriser les voûtes.

À partir de nouveaux planchers ad hoc, les cordistes vont encore travailler quelques mois sur la croisée du transept.  

« Ce qui m’inquiète, c’est que cette partie de voûte là a pris la flotte depuis un an et demi, à l’inverse des autres qui ont été tout de suite bâchées », montre à l’AFP Philippe Villeneuve, architecte en chef des monuments historiques, relevant notamment que des parements ont tendance à partir en poussière.  

Les gravats de la charpente seront stockés à des fins de recherche : quels bois utilisait-on au Moyen Âge ? Comment ? Quel était leur âge ? Étaient-ils secs ou encore humides ?

Le pari du président Emmanuel Macron d’une reconstruction de ce joyau de l’art gothique en cinq ans est-il réalisable ? Le général Georgelin a réaffirmé sa conviction qu’il pouvait être gagné.  

« Je pense – j’ai écouté ce qu’on m’a dit – qu’en 2024, les délais seront tenus. On chantera un Te Deum dans la cathédrale », a dit la ministre, mélomane, qui propose même « un Te Deum de Charpentier ».  

« On pourrait faire une commande d’un Te Deum moderne ! Ce serait l’introduction du moderne dans la cathédrale », suggère le général à la ministre, qui y voit « une bonne idée ».  

Allusion indirecte au geste contemporain évoqué par Emmanuel Macron juste après l’incendie, qui n’a finalement pas été retenu pour la flèche de la cathédrale. Elle sera reconstruite à l’identique de celle conçue par l’architecte Viollet-Le-Duc.

La ministre, qui a jugé « irrecevable » l’idée de vitraux contemporains en lieu et place de ceux grisaille de la cathédrale, a visité une « chapelle test », où sont testés différents protocoles pour la restauration de l’ensemble des 28 chapelles latérales.

Un nettoyage de fresques y a permis de retrouver la fraîcheur des couleurs d’origine. « Toute la cathédrale aura un éclat nouveau. On aura tiré d’un mal un bien », assure l’architecte Villeneuve, cet amoureux de la cathédrale qui a vécu l’incendie comme un traumatisme personnel et dirige le triumvirat des architectes.