(Berlin) Déporté au camp de concentration nazi de Buchenwald en Allemagne pendant son enfance, Naftali Fürst a dû « se pincer » pour réaliser ce qui lui arrivait.

Cet Israélien de 87 ans a été transporté mardi à bord d’un avion de la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande, pour venir inaugurer une exposition photo sur les survivants de la Shoah en Allemagne, à l’occasion du 75e anniversaire de la libération du camp d’extermination nazi d’Auschwitz.

PHOTO LUFTWAFFE

Le survivant des camps de la mort nazis Naftali Fürst, à bord de l’avion de la Luftwaffe qui l’a amené de Tel-Aviv à Essen, où a été inaugurée une exposition de photos honorant 75 survivants de l’Holocauste.

« Je ne sais pas si je rêve ou si c’est réel… parce qu’il y a 75 ans, j’étais censé être dans un autre monde », disait Fürst dans une vidéo tournée dans l’avion et publiée sur Twitter par le ministère allemand de la Défense.

« Qu’on me fasse cet honneur 75 ans après, c’est une expérience incroyable », témoigne-t-il.

C’est dans un avion affrété spécialement pour lui qu’il est parti de Tel-Aviv assister à l’ouverture de l’exposition à Essen, inaugurée aussi par la chancelière allemande, Angela Merkel, au Musée de la Ruhr d’Essen, dans l’ouest du pays, et qui se tient jusqu’au 26 avril.

« Visages »

Pour ce voyage, il a été accompagné de sa fille et de deux de ses petits-enfants.

Fürst fait parti des 75 rescapés de la Shoah photographiés pour cette exposition baptisée « Survivants - Les visages de la vie après l’Holocauste ».

PHOTO MARTIN MEISSNER, AP

La chancelière allemande Angela Merkel conversant avec le rescapé de l’Holocauste Naftali Fürst, durant l’inauguration d’une exposition de photos honorant 75 survivants des camps de la mort nazis à Essen en Allemagne. Les portraits ont été faits par le photographe américain d’origine allemande Martin Schoeller (à g.).

La Fondation allemande pour l’art et la culture de Bonn a organisé l’événement en partenariat avec l’Institut international pour la mémoire de la Shoah Yad Vashem, à Jérusalem.

Il s’agit d’une « œuvre vraiment impressionnante », a réagi la chancelière allemande.

Soixante-quinze grands portraits de survivants de l’Holocauste, accompagnés de leur histoire, sont accrochés sur les murs du musée. Aujourd’hui, tous vivent en Israël.

PHOTO MARKUS SCHREIBER, AP

Le chemin de fer ayant conduit des centaines de milliers de prisonniers à leurs assassinats dans les chambres à gaz, dans les camps de la mort d’Auschwitz Birkenau ou Auschwitz II, à Oswiecim, en Pologne. De nombreuses commémorations marquent le 75e anniversaire de la libération d’Auschwitz par l’Armée rouge le 27 janvier 1945.

« Chaque portrait est un rappel pour chacun d’entre nous de faire preuve de plus d’humanité, de ne pas rester silencieux ou de ne pas détourner les yeux quand la dignité de quelqu’un est attaquée », a poursuivi la chancelière.

L’été dernier, le photographe Martin Schoeller a rencontré chacun des survivants pour réaliser leurs portraits. Pour lui, il s’agit « du projet le plus émouvant de ma vie ».

D’origine allemande, Martin Schoeller, 51 ans, s’est installé à New York dans les années 1990, où il s’est fait connaître pour ses nombreux portraits. Il a notamment collaboré avec plusieurs journaux et magazines, parmi lesquels The New Yorker et National Geographic.

« L’incompréhensible »

Parmi ses modèles figurent entre autres Angela Merkel et l’ancien président des États-Unis, Barack Obama, mais aussi des stars comme la chanteuse américaine de pop Taylor Swift.

PHOTO ALEXANDER ZEMLIANICHENKO, AP

Dans cette photo prise le 20 janvier 2020, Ievgueni Kovalyov, un survivant d’Auschwitz âgé de 92 ans, montre son matricule tatoué par les Nazis lorsqu’envoyé au camp de concentration en 1943. La photo a été prise à son appartement de Moscou.

L’exposition entamera après Essen un tour du monde qui l’emmènera à Maastricht aux Pays-Bas, jusqu’à Toronto au Canada.  

Les 75 portraits ont aussi été rassemblés et publiés dans un livre, que la maison d’édition Steidl décrit comme « une tentative pour préserver l’incompréhensible pour les générations à venir ».

D’autres commémorations seront organisées cette semaine dans le monde pour l’anniversaire de la libération d’Auschwitz. Le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, doit se rendre en Pologne, dans l’ancien camp de concentration, après sa participation prévue jeudi au cinquième Forum mondial sur l’Holocauste organisé à Jérusalem.

Plus de 40 chefs d’État sont attendus à cet événement, parmi lesquels le président français, Emmanuel Macron, et son homologue russe, Vladimir Poutine.

Cet anniversaire survient à un moment délicat pour l’Allemagne avec une recrudescence des actes antisémites, et un attentat raté de peu contre une synagogue l’an dernier. Le ministère de l’Intérieur en a recensé 1799 en 2018, le nombre le plus élevé en dix ans.

À Essen, Angela Merkel a rappelé que la lutte contre l’antisémitisme restait une priorité de son gouvernement. « L’antisémitisme n’est pas seulement une attaque contre quelques citoyens, mais contre l’ensemble des valeurs que porte notre société », a-t-elle dit.