La crise opposant le gouvernement indépendantiste catalan à Madrid a gagné les rues d'Espagne samedi, des milliers de personnes manifestant pour ou contre le référendum d'autodétermination interdit que les séparatistes veulent organiser dimanche en Catalogne.

«Nous aussi, nous sommes Catalans !», criaient vers 19 h (13 h, heure de l'Est) des manifestants opposés à ce scrutin dans le centre de Barcelone.

Ils arboraient des drapeaux espagnols et catalans, mais aussi de l'Europe et des pancartes sur lesquelles l'on pouvait lire «Catalonia is Spain» («La Catalogne c'est l'Espagne»).

Des Madrilènes opposés au référendum et inquiets aussi ont afflué à la mi-journée par milliers sur l'emblématique place Cibeles, face à la mairie de la capitale.

Mais ailleurs en Espagne, comme à Saint-Jacques-de-Compostelle (Galice, nord-ouest), d'autres se sont également prononcés en masse pour le référendum. Ils étaient ainsi 40 000 à Bilbao au Pays basque (nord).

Les autorités catalanes restent déterminées à organiser cette consultation dimanche malgré son interdiction par la justice, donnant lieu à une des pires crises traversées par l'Espagne depuis le rétablissement de la démocratie après la mort du dictateur Francisco Franco en 1975.

Le gouvernement conservateur espagnol de Mariano Rajoy refuse de laisser cette riche région du nord-est de l'Espagne décider seule de son avenir depuis 2012, quand cette revendication a été formulée pour la première fois.

Et depuis que le scrutin a été convoqué, les autorités centrales ont tout fait pour dissuader les indépendantistes catalans d'aller de l'avant, coupant certains financements à la région, menaçant d'infliger des amendes, saisissant des millions de bulletins de vote et ordonnant perquisitions et des arrestations.

Mais rien n'y fait.

Dimanche, «ce qui n'arrivera pas, c'est que nous rentrerons chez nous et renoncerons à nos droits... Le gouvernement a tout prévu pour que (le scrutin) se déroule de manière normale», a déclaré Carles Puigdemont à l'AFP, à moins de 24 heures du scrutin, demandant aussi aux Catalans d'éviter toute violence.

1300 bureaux de vote fermés

Ignorant les avertissements, l'exécutif régional a annoncé vendredi que 2315 bureaux de vote seraient ouverts pour les 5,3 millions d'électeurs de Catalogne.

Sur ce total, «1300 ont déjà été mis sous scellés» par la police catalane, les Mossos d'Esquadra, pour empêcher que les gens puissent voter a assuré samedi matin le représentant du gouvernement espagnol en Catalogne, Enric Millo.

M. Millo a précisé que 163 de ces bureaux étaient occupés pacifiquement par des militants qui pourront sortir, mais que personne ne pourra plus y entrer.

Et il a reconnu que d'autres bureaux pouvaient être occupés parmi le millier qui restent à mettre sous scellés.

Les bureaux occupés visités par l'AFP sont principalement des écoles, parfois des centres culturels, investis par des parents d'élèves avec leurs enfants.

Samedi soir, à Figueres, une ville du nord de la Catalogne, des militants indépendantistes donnaient des consignes aux habitants volontaires pour occuper de nouveaux locaux, a constaté une journaliste de l'AFP.

Des consignes circulaient aussi sur les réseaux sociaux pour que les électeurs se massent devant les bureaux de vote dès 5 h du matin dans la nuit de samedi à dimanche.

Face aux risques de troubles, le gouvernement central a envoyé en renfort quelque 10 000 policiers en Catalogne. Les policiers ont néanmoins reçu l'ordre de ne pas recourir à la force.

«Il est logique de penser qu'il se passera quelque chose demain, mais ce qui est sûr, c'est que ce ne sera pas un référendum», a par ailleurs assuré le préfet.

Le gouvernement de Mariano Rajoy souligne en effet qu'il n'est plus assorti d'aucun des éléments exigés pour assurer un scrutin crédible : listes électorales transparentes, commission électorale, comptage des voix par un organisme impartial, etc.

Sur le fond, les 7,5 millions de Catalans sont divisés à parts presque égales sur l'indépendance.

En revanche plus de 70% des Catalans souhaitent que le débat soit tranché par le biais d'un référendum légal.

Le gouvernement espagnol doit «convaincre des avantages qu'il y a à rester unis, au lieu de passer son temps à répéter que le référendum est illégal. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de leader en Espagne», a regretté Rafael Castillo, un ingénieur de 59 ans rencontré à Madrid, une écharpe aux couleurs de l'Espagne autour du cou.

«Si l'État espagnol dit «mettons-nous d'accord sur un référendum»... nous arrêtons ceci. Oui évidemment, c'est la voie (légale) que tous les Catalans souhaitent», a pour sa part déclaré Carles Puidgemont, qui a assuré que tout était prêt pour le référendum que Madrid veut interdire à tout prix.

«Je tente de ne pas me laisser dominer par les émotions, même si nous en avons tous. Mais fondamentalement en ces moments, je sens que j'ai une grande responsabilité à assumer. C'est un moment grave».