Les Européens s'orientent vers des initiatives limitées après le référendum sur le Brexit pour tenter de sortir l'UE du marasme, car pour une vaste relance de la construction européenne l'appétit des opinions et un accord de fond franco-allemand font défaut.

Quel que soit le choix des Britanniques jeudi, mais surtout s'ils optent pour une sortie, les attentes sont grandes à l'égard de Berlin et Paris, pays fondateurs du projet européen, pour qu'ils revitalisent ce dessein rongé par la morosité économique et la montée des populismes et nationalismes.

« La tentation du statu quo et de l'immobilisme serait un suicide politique », a mis en garde l'Institut Montaigne en France.

L'attente d'un signal fort est surtout perceptible côté français. Le ministre français de l'Économie, Emmanuel Macron, a promis dans le quotidien Le Monde que son pays « sera à l'initiative (pour) éviter la contamination du Brexit et relancer immédiatement la dynamique d'un projet positif pour l'Europe ». Il a évoqué en particulier un budget, un Parlement et un commissaire pour la zone euro.

Réticences allemandes

Côté allemand, l'enthousiasme est bien moins palpable. Le ministre des Finances Wolfgang Schäuble a jugé mardi lors d'une conférence à Berlin qu'après le scrutin, et quelle qu'en soit l'issue, « il ne faudra pas dire : continuons comme ça et de manière encore plus intensive » en Europe.

Il a estimé au contraire qu'il faudrait d'abord « résoudre les problèmes urgents » du continent « par des mesures pragmatiques », de nouveaux progrès dans l'intégration européenne ne pouvant être envisagés « que lorsque nous aurons regagné la confiance » des citoyens.

Le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, lui a fait écho : « Renforçons ce dont nous disposons déjà, je ne pense pas que nous ayons besoin de grandes avancées », a-t-il lors de la même réunion.

La progression spectaculaire partout sur le continent des mouvements hostiles à l'Europe, y compris en Allemagne, est passée par là.

Sur l'euro de surcroît les divergences et suspicions entre Paris et Berlin persistent, en dépit des professions de foi. La France peine à contrôler ses déficits et accepte difficilement que leur surveillance revienne à une instance supranationale tandis que Berlin refuse l'idée d'une mutualisation des dettes.

« Aujourd'hui, nous sommes bloqués par deux tabous : un tabou français, qui est le transfert de souveraineté, et un tabou allemand, celui des transferts financiers ou de solidarité. On ne peut pas avancer sans les faire sauter », juge Emmanuel Macron.

Défense et sécurité

Du coup, aucune réponse d'envergure pour l'après-référendum ne paraît mûre. « Les Allemands ont peur de se retrouver en tête-à-tête avec une France affaiblie », résume Dominique Moïsi, de l'Institut français des relations internationales (IFRI), « il n'y a pas de consensus sur la politique à adopter le jour d'après ».

Au sein même du gouvernement allemand de coalition, sociaux-démocrates plutôt favorables à l'intégration plus poussée et conservateurs CDU de la chancelière Angela Merkel, où certains prônent au contraire un retour de prérogatives de l'UE aux États afin de donner des gages à l'opinion eurosceptique, ne sont pas au diapason.

« Il n'y a pas de plan sur ce que l'Allemagne va faire, car le gouvernement est divisé sur la stratégie post-Brexit », analyse le quotidien conservateur Die Welt.

En conséquence, c'est davantage en direction d'initiatives limitées dans les domaines régaliens plus consensuels de la sécurité et de la défense que se concentrent les réflexions, selon plusieurs sources.

« On va beaucoup parler défense européenne dans les prochains mois », confie une source gouvernementale française. « Il y a un consensus assez large sur le fait qu'on peut faire plus dans le domaine de la politique extérieure et de sécurité commune européenne », confirme une source gouvernementale allemande.

À l'étude par exemple : davantage de missions extérieures communes, des progrès dans la mutualisation de la production et de l'achat d'équipements militaires ou encore l'achèvement de la création d'une vraie police des frontières de l'UE en réaction à la crise migratoire ou face à la menace terroriste.

L'idée d'un grand saut vers une armée européenne, caressée par les fédéralistes, devra, elle, attendre.