Le chant s'amplifie et résonne dans la cabane sur le Gruetli, cette prairie alpine et lieu symbolique pour les patriotes suisses, qui accueille la compétition pour un nouvel hymne national, entrée vendredi dans sa dernière ligne droite.

Le Gruetli, aussi appelé en allemand Ruetli (petite prairie) fait partie des mythes fondateurs de la Suisse. La légende veut qu'en 1307 les Confédérés s'y seraient réunis dans leur conjuration contre les baillis autrichiens et depuis le 18e siècle cette prairie dominant le Lac des Quatre Cantons, dans la région de Lucerne, sert à des réunions patriotiques.

Vendredi, elle est le théâtre d'une présentation inhabituelle, les trois versions en compétition pour un nouvel hymne national devant remplacer l'actuel, «le Cantique suisse», qui date de 1841 et s'apparente à un mélange de bulletin météo alpine et de cantique religieux, selon ses détracteurs.

«C'est une initiative typiquement suisse, elle vient de la base de la population pour aller au sommet et c'est la façon typique de procéder en Suisse», se réjouit Lukas Niederberger, un responsable du projet.

Estimant que l'hymne actuel ne reflète pas le pays dans sa diversité politique et culturelle, la Société suisse d'utilité publique a lancé le 1er janvier 2014 un concours national artistique, appelé «CHymne», pour trouver un nouvel hymne à la Confédération.

Les résultats ont dépassé toutes attentes. «Cela a été vraiment un succès», assure Jean-Daniel Gerber, président de cette association qui existe depuis 205 ans. Une cinquantaine de contributions étaient attendues, il y en a eu 208. Un jury de personnalités en a sélectionné six et plus de 70 000 Suisses ont voté sur l'internet pour choisir les trois finalistes. Pour contribuer au choix du vainqueur, le vote sera ouvert sur l'internet du 8 juin à la fin août.

Le 12 septembre, la finale se déroulera dans le cadre de la Fête fédérale de musique populaire à Aarau, capitale du canton d'Argovie. Le public pourra assister en direct à cette finale, qui sera retransmise sur les chaînes publiques, et également voter par message texte ou en téléphonant.

«Ce ne sera alors qu'une étape de cette entreprise», note M. Gerber. Il faudra ensuite convaincre le gouvernement et le Parlement de lancer un processus de changement de l'hymne, ce qui pourrait conduire à un referendum. «Cela prendra du temps», admet M. Gerber.

D'autant que le projet a ses adversaires. «Aucun pays au monde ne change ou n'a changé son hymne national», affirme pour l'AFP Hubert Spörri, de l'Association Psaume Suisse. «Il n'y a eu qu'un seul cas, il y a une quarantaine d'années, quand l'Australie s'est détachée de la couronne d'Angleterre, le peuple a été consulté sur deux hymnes, l'ancien et le nouveau, il a choisi l'ancien», explique-t-il.

«Chaque hymne a son histoire, et on ne peut tout simplement pas la mettre de côté. L'hymne suisse est un résultat interconfessionnel, le texte a été rédigé par un poète protestant et la musique composée par un prêtre catholique», souligne-t-il, en jugeant que les versions proposées «sont des chansonnettes que l'on peut chanter le soir au coin du feu, en faisant griller des saucisses».

Dans les versions présentées vendredi la mélodie de l'hymne actuel est soit reconnaissable, soit conservée. Le texte devait se fonder sur l'esprit du préambule de la Constitution fédérale, en vigueur depuis 1999. Il met en avant l'alliance du peuple et des cantons pour «renforcer la liberté, la démocratie, l'indépendance et la paix».

«Nous chantons tous unis, Ô Suisse notre patrie, que nos voix très loin s'entendent. D'un serment elle est née et ce rêve qu'elle engendre que le monde en soit empli», propose une des versions retenues.