En difficulté depuis que son nom est apparu dans une affaire de corruption présumée, le premier ministre espagnol Mariano Rajoy se retrouve pressé de s'expliquer face au pays et exposé à une motion de censure, dangereuse en termes d'image.

Dimanche, un sondage publié par le journal de centre droit El Mundo, l'un des deux quotidiens avec El Pais à avoir fait éclater le scandale, révèle qu'une large majorité de personnes interrogées pensent que Mariano Rajoy doit s'adresser au Parlement pour donner des explications sur «l'affaire Barcenas».

«Rajoy ne pourra gouverner s'il n'explique pas "l'affaire Barcenas" au Congrès des députés», lançait de son côté le chef du Parti socialiste, premier parti d'opposition, Alfredo Perez Rubalcaba, dimanche dans les colonnes de El Pais, de centre gauche.

Le scandale, du nom de Luis Barcenas, intendant puis trésorier de 1990 à 2009 du Parti populaire, de droite, présidé par Mariano Rajoy depuis 2004, avait éclaté au mois de janvier avec la publication par ces deux journaux de documents révélant une présumée comptabilité parallèle au sein du parti.

Le nom de Mariano Rajoy apparaissait pour la première fois le 31 janvier dans des notes publiées par El Pais, bientôt devenues célèbres sous le nom des «notes de Barcenas»: selon ces documents, le chef du gouvernement, à la tête du pays depuis la fin 2011, aurait perçu, entre 1997 et 2008, «des paiements pour un montant total de 25 200 euros par an» provenant de dons de chefs d'entreprises privées.

Le scandale, sur lequel la justice a ouvert une enquête, a rebondi avec la publication le 9 juillet par El Mundo de nouveaux documents comptables compromettants pour le chef du gouvernement.

Puis le 14: le même journal publiait le contenu de plusieurs échanges de SMS attribués à Mariano Rajoy et Luis Barcenas, longtemps très proches, montrant, d'après le quotidien, que le premier ministre «a maintenu un contact direct et permanent» avec Luis Barcenas au moins jusqu'en mars 2013, alors que le scandale avait éclaté depuis deux mois déjà.

Le 15 juillet enfin, Luis Barcenas, en prison depuis le 27 juin dans le cadre d'un autre scandale touchant au financement de la droite espagnole, était entendu par le juge Pablo Ruz. Il confirmait l'existence d'une comptabilité B et citait Mariano Rajoy parmi ses bénéficiaires, selon des sources présentes à l'audition.

Selon le calcul effectué par El Mundo, c'est une somme totale de «343 700 euros» que l'ex-trésorier aurait destinée à Mariano Rajoy durant une vingtaine d'années.

Depuis, le scandale ne cesse de grandir. À la question «Pensez-vous que Mariano Rajoy doit se présenter devant les députés pour donner sa version de l'affaire Barcenas», 89,1% des personnes interrogées, dont 79% parmi les électeurs du PP, répondent «oui» et 2,4% estiment le contraire, selon le sondage effectué entre les 16 et 18 juillet.

À la question «Pensez-vous que Mariano Rajoy soit l'une des personnes ayant touché des compléments de salaires», 65,6% répondent «oui» et 19,6% «non».

Dans un pays frappé par la crise et un chômage à plus de 27%, l'affaire soulève de nombreuses réactions indignées même si celles-ci se traduisent peu dans la rue jusqu'à présent.

En revanche, l'opposition, qui réclame la démission du chef du gouvernement, exige aussi qu'il fournisse des explications par le biais d'une intervention devant les députés.

Mariano Rajoy, qui en février avait affirmé n'avoir «jamais touché d'argent au noir», s'est contenté le 15 juillet d'affirmer qu'il ne démissionnerait pas.

S'il persiste dans son silence, le Parti socialiste, rejoint par de petits partis d'opposition, a annoncé qu'il déposerait une motion de censure au Parlement. Même si ses chances d'aboutir sont minces, Mariano Rajoy comptant sur une solide majorité absolue, une telle démarche risquerait de ternir encore l'image du chef du gouvernement.

Face à ces demandes pressantes, la porte-parole du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, a répondu vendredi de manière évasive: Mariano Rajoy, a-t-elle dit, «donnera des explications au moment et de la manière qu'il jugera opportune».