Le premier ministre britannique David Cameron s'est dit prêt à « dérouler le tapis rouge » pour les entreprises fuyant l'impôt en France, ce qui a suscité l'ironie du ministre français du Travail Michel Sapin pour lequel ce tapis pourrait « prendre l'eau ».

« Je ne sais pas comment on fait pour dérouler un tapis rouge au travers » de la Manche, « il risque de prendre l'eau », s'est amusé mardi M. Sapin après les propos du chef du gouvernement britannique devant une assemblée de dirigeants d'entreprise à Los Cabos au Mexique, en marge du sommet du G20.

M. Cameron visait le projet du président français François Hollande de relever l'imposition des contribuables les plus riches.

« Quand la France instituera un taux de 75 % pour la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, nous déroulerons le tapis rouge, et nous accueillerons plus d'entreprises françaises, qui paieront leurs impôts au Royaume-Uni », a-t-il déclaré.

« Cela paiera nos services publics et nos écoles », a-t-il estimé.

M. Cameron avait rappelé auparavant qu'il avait au contraire abaissé l'imposition des très hauts revenus en Grande-Bretagne.

M. Hollande s'est engagé durant la campagne présidentielle à porter à 75 % le taux de l'imposition pour les revenus au-delà d'un million d'euros. Son équipe avait précisé que pour les contribuables concernés, cela pourrait s'accompagner de plafonds sur certains impôts directs.

« Je pense que c'est un propos qui lui a échappé! », s'est exclamé M. Sapin, interrogé sur les déclarations de M. Cameron.

Le ministre français, qui venait de rencontrer l'ensemble des partenaires sociaux au niveau du G20, a assuré que patronat et syndicats étaient « tous d'accord pour dire que la question de la croissance, la question de l'emploi et la question du dialogue social sont des éléments indispensables pour remettre d'aplomb nos économies ».

« Il existe des difficultés, il existe des tensions en Europe, les rencontres comme celles-ci sont faites pour avancer, pour faire en sorte que l'on surmonte ces tensions et qu'il y ait des solutions, des propositions », a-t-il affirmé.

Selon lui, beaucoup de monde se préoccupe de la situation en Europe. « Les Européens veulent pouvoir proposer des solutions, y compris à leurs autres partenaires du G20. C'est tout ceci qui est en train de se jouer ici », a-t-il expliqué.

« Les Européens n'ont besoin de personne pour s'entendre, mais quand on entend le président de la plus grande économie du monde », Barack Obama, « dire que si l'on veut résoudre les problèmes du monde, il faut à la fois rééquilibrer nos budgets et porter la croissance, ça fait plutôt chaud au coeur du président de la République française qui dit cela depuis de nombreux mois », s'est-il également félicité.

« Une économie ne peut se relever que si elle fonctionne sur ses deux jambes : le sérieux budgétaire d'un côté, et la croissance et l'emploi de l'autre », a-t-il encore dit.

Hollande rétorque

Le président français François Hollande a répliqué mardi au premier ministre britannique David Cameron, affirmant que « chacun doit être responsable de ce qu'il dit ».

« Chacun doit être responsable de ce qu'il dit, je le suis. Dans un moment où la cohésion des Européens doit être forte, je ne ferai rien qui puisse l'ébrécher », a-t-il affirmé au cours d'un point de presse à Los Cabos.

« Sur les politiques fiscales » française et britannique, « nous ferons la comparaison », a-t-il ajouté.

« Ma responsabilité dans ce sommet est de faire en sorte qu'il y ait une confiance dans l'Europe (...). Donc, je ne m'échapperai en aucune manière des objectifs trop importants. L'Europe et le monde s'inquiètent, rien ne me fera détourner de mon objectif », a-t-il insisté.

Les propos du premier ministre britannique ont également fait réagir un certain nombre de responsables politiques et syndicaux en France.

« C'est triste de voir la Grande-Bretagne avoir comme ambition d'être le paradis fiscal de l'Europe », a estimé Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, sur la chaîne i-Télé.

Interrogée lors d'une conférence de presse, la patronne des patrons français Laurence Parisot a d'abord ironisé sur le « style direct des Anglais et de David Cameron en particulier ».

Mais, après avoir longuement plaidé pour que le gouvernement prenne en compte la situation difficile pour les entreprises françaises, Mme Parisot a ajouté : « Si je vous dis tout ce que je vous dis ce matin, c'est parce que moi je ne veux pas que des entreprises françaises marchent sur ce tapis rouge ».

De son côté, le ministre français des Affaires européennes Bernard Cazeneuve a estimé sur i-Télé « qu'il y a des patrons français qui sont des patriotes, il y a dans l'arsenal des mesures que nous allons prendre en faveur des entreprises, des mesures qui favoriseront l'investissement et qui inciteront les entreprises à rester en France ».