Une guerre des chefs s'est engagée au sein de la droite française livrée à elle-même après la défaite de l'ancien président Nicolas Sarkozy qui s'est mis en retrait de la politique, à moins de trois semaines des élections législatives que la gauche au pouvoir espère emporter.

C'est François Fillon, premier ministre resté dans l'ombre de M. Sarkozy durant tout le quinquennat, qui a ouvert les hostilités.

En affirmant mercredi qu'il n'y avait «plus de leader naturel» à la tête de l'ancien parti présidentiel UMP, il a mis fin au semblant d'unité que les ténors de droite voulaient afficher jusqu'à cette échéance électorale.

M. Fillon visait directement Jean-François Copé, le secrétaire général de l'UMP (Union pour un mouvement populaire), qui cultive comme lui l'ambition d'être candidat à la présidentielle de 2017 et s'était défini comme le «chef de guerre» de la droite.

Le poste de président de l'UMP occupé avant son élection en 2007 par M. Sarkozy et «gelé» pendant son mandat à la tête du pays doit être pourvu à l'automne, donnant à celui qui l'obtiendra un énorme avantage dans la course à la candidature pour 2017. Outre MM. Copé et Fillon, d'autres ténors de la droite comme l'ex-ministre des Affaires étrangères Alain Juppé ont laissé deviner leur intérêt, mais en se gardant de le manifester ouvertement.

M. Sarkozy, 57 ans, avait déclaré au soir de sa défaite contre François Hollande le 6 mai qu'il entendait désormais être «un Français parmi les Français», mais il était resté vague sur ses intentions.

Depuis, des proches ont assuré que celui que son activisme tous azimuts avait fait surnommer «l'hyper-président» s'est irrévocablement retiré de la vie politique.

À peine la passation de pouvoirs accomplie, il est parti en vacances au Maroc avec sa famille, invité par le roi Mohamed VI dont il avait déjà été l'hôte par le passé.

Dans la luxueuse résidence mise à sa disposition à Marrakech, il se repose, lit et fait du sport, et «ne se tient pas informé des questions politiciennes et politiques», a assuré mardi l'ancien ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, fidèle d'entre les fidèles.

M. Hortefeux est à l'initiative d'une «Association des amis de Nicolas Sarkozy», «une démarche affective et non politique», a-t-il précisé.

«C'est une évidence que Nicolas Sarkozy manque à l'UMP, c'est lui qui a très largement construit le succès de cette formation politique et il y a un vide depuis son départ», a réaffirmé jeudi M. Fillon.

Plusieurs dirigeants de droite ont sévèrement jugé la sortie de l'ancien premier ministre, alors que l'UMP est engagée dans la campagne des législatives des 10 et 17 juin, avec la double menace de subir une défaite face à la gauche et de voir son unité effritée sous la pression de l'extrême droite.

Le Front national, qui a le vent en poupe avec les 17,9 % obtenus par sa candidate Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle, cherche en effet à créer les conditions d'alliances locales avec la droite classique.

M. Copé le premier a invité «tous (ses) amis de l'UMP» à «la sagesse» et à ne «se mobiliser que pour les législatives».

L'ancienne ministre de Justice Rachida Dati, ulcérée d'avoir dû céder la circonscription parisienne qu'elle convoitait à M. Fillon, a jugé ce dernier «déloyal» vis à vis de M. Copé et «ingrat» envers M. Sarkozy qu'il «a enterré un petit peu trop vite».

«J'espère qu'il s'agit simplement de paroles malencontreuses» de M. Fillon, a déclaré pour sa part Alain Juppé en soulignant que «la priorité des priorités c'est l'unité» en vue des législatives.

Dans le camp de M. Copé, certains estiment que l'ancien premier ministre a dégainé trop vite, au risque de mécontenter les militants et cadres du parti qui rêvent encore d'une revanche sur les socialistes aux législatives.