L'enquête sur l'impact du nuage de Tchernobyl en France s'est achevée mercredi par un non-lieu, 10 ans après son ouverture, la cour d'appel de Paris estimant que la catastrophe nucléaire de 1986 n'a pas eu de conséquences sanitaires mesurables en France.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel a en particulier mis hors de cause l'ancien patron du Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI), le Professeur Pierre Pellerin, seul mis en examen, pour «tromperie aggravée», en 2006 dans cette affaire.

«C'est un point final à ce dossier. L'association qui regroupe les victimes va se pourvoir en cassation contre cet arrêt pour avoir épuisé toutes les voies de recours», a dit Me Bernard Fau, l'avocat des parties civiles.

«C'est une décision qui va laisser un goût amer du point de vue des victimes (...) et chez tous ceux qui, dans la société civile, ont attaché un intérêt à l'impact que peut avoir un nuage radioactif survolant un pays après une catastrophe nucléaire», a-t-il ajouté.

Une colère qui ne s'est pas fait attendre, notamment en Corse: «Avec ce non-lieu, on s'est moqué de nous», a déclaré le Dr Denis Fauconnier, généraliste aujourd'hui retraité, qui avait le premier évoqué des retombées sur la population insulaire.

«Les dégâts provoqués étaient connus au plus haut niveau de l'État», a-t-il ajouté, affirmant que «les preuves de la répercussion du passage du nuage radioactif sur la Corse sont irréfutables».

L'enquête avait été ouverte en 2001 après une plainte déposée par l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT) et une autre de la Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD).

La juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy avait concentré ses investigations sur les informations communiquées en termes de radioactivité sur l'Hexagone au moment du passage du nuage au printemps 1986, en particulier sur une minimisation des risques encourus.

Pour le ministère public, qui demandait la fin de l'enquête, les analyses scientifiques versées au dossier s'accordent pour établir que la catastrophe de 1986 n'a pas eu de conséquences sanitaires mesurables en France; en particulier, aucun lien n'a été fait avec des maladies de la thyroïde.

L'avocat des parties civiles a reconnu que des raisons pouvaient justifier l'arrêt de cette enquête, mais qu'il aurait été plus «satisfaisant» de voir la juge d'instruction décider de clore elle-même ce dossier.

«Dès l'audience (...), le climat était à vouloir arrêter ce dossier pour des raisons qui peuvent être légitimes, qui tiennent à la difficulté d'établir un lien de causalité entre des maladies présentées par certaines personnes et le passage du nuage», a dit Me Fau.

«On peut regretter, certes après une procédure légitime et régulière, de ne pas avoir laissé la juge d'instruction achever elle-même l'instruction qu'elle avait commencée», a-t-il ajouté.

Dans la classe politique, le député Noël Mamère (Europe Écologie-Les Verts) s'est élevé contre ce qu'il qualifie de «déni de justice qui prouve la force du lobby nucléaire dans notre pays». Eva Joly, candidate d'EELV à la présidentielle, a dénoncé un État «au-dessus des lois».

«À l'heure où le Japon affronte une catastrophe nucléaire où l'accès à l'information des populations civiles n'est pas garanti, et même bafoué, la garantie d'impunité que nous renvoyons est scandaleuse», a estimé la députée européenne Corinne Lepage.

«Nous n'acceptons pas le mensonge d'État et notre enquête doit permettre à des victimes d'aller en justice», a déclaré Josette Risterucci, présidente à l'Assemblée de Corse de la commission Tchernobyl, chargée d'établir une carte épidémiologique montrant le lien entre la catastrophe et l'augmentation des cas de cancers et maladies de la thyroïde dans l'île. Elle a indiqué que les travaux continueraient.